par Elizabeth Piper et Kylie MacLellan
LONDRES (Reuters) - Jeremy Corbyn a été réélu samedi à la tête du Parti travailliste britannique, l'emportant largement face à la fronde des parlementaires modérés qui contestent son aptitude à remporter les prochaines législatives et auxquels il a tendu la main en signe d'unité.
Le leader de la gauche s'est imposé avec 313.209 voix contre 193.229 à son rival Owen Smith, renforçant son emprise sur un parti profondément divisé depuis le référendum du 23 juin qui a vu le succès des partisans d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.
Owen Smith était soutenu par la majorité des parlementaires travaillistes.
Ce succès devrait se traduire par une inflexion à gauche des orientations politiques du Labour, une option qu'une partie des travaillistes considèrent comme un handicap pour la reconquête du pouvoir.
Les frondeurs font valoir que cette orientation stratégique va laisser le champ libre aux conservateurs de la Première ministre Theresa May pour négocier le divorce entre Londres et Bruxelles.
Corbyn, qui obtient un soutien plus large que lors de son élection à la tête du parti l'an passé, a appelé les parlementaires et les militants à collaborer ensemble afin d'apporter un "réel changement" face à la politique des conservateurs.
"Les élections sont passionnées et souvent une question partisane. Des choses sont dites dans le feu du débat que parfois on regrette plus tard", a déclaré Jeremy Corbyn lors de la conférence annuelle du Labour à Liverpool.
"Mais souvenez-vous que nous avons plus de choses en commun que de choses qui nous divisent au sein de notre parti", a-t-il poursuivi.
"Remettons les compteurs à zéro et poursuivons ensemble le travail que nous devons accomplir en tant que parti", a-t-il dit, optant pour un ton conciliant destiné à apaiser les tensions et divergences entre l'aile gauche et l'aile droite du parti.
PARI DIFFICILE
Corbyn a affirmé lors de la conférence que ses propositions anti-austérité avaient attiré des milliers de sympathisants vers le Parti travailliste et il s'est dit prêt à mener ce dernier à la victoire lors des élections générales de 2020.
Ce pari s'annonce difficile à tenir pour le leader de la gauche car il passe par la reconquête de nombreux militants ayant soutenu le Brexit. Un sondage YouGov montre que la moitié d'entre eux ont depuis déserté le Labour.
Un autre défi concerne les parlementaires travaillistes, dont certains ont boudé le rassemblement annuel, se montrant sceptiques à l'égard de ses positions très marquées à gauche en matière de renationalisation ou d'abandon de la dissuasion nucléaire.
"Le propos était conciliant mais nous allons devoir nous montrer pragmatiques pour recoller les morceaux", a commenté un élu travailliste s'exprimant sous le sceau de l'anonymat.
Qualifiant le parti de "famille", Corbyn a estimé qu'il était de sa responsabilité de réussir cette union "mais qu'il était également de la responsabilité de tout le parti de travailler ensemble dans le respect des choix démocratiques qui ont été faits".
"C'est un euphémisme de dire que le résultat n'est pas celui que nombre d'entre nous attendaient mais il nous faut tous maintenant faire un choix individuel sur la manière de mieux servir le Parti travailliste et de rendre l'opposition plus efficace", a commenté le député John Woodcock.
Les enquêtes d'opinion accordent sept points d'avance aux conservateurs de Theresa May qui, disposant d'une telle marge, vont pouvoir mener les négociations sur le Brexit débarrassés de la pression de l'opposition.
(Kylie MacLellan,; Nicolas Delame pour le service français)