LONDRES (Reuters) - Le renchérissement du dollar et celui des coûts de financement dans la devise américaine avec la hausse des taux d'intérêt aux Etats-Unis risquent de peser en 2017 sur la capacité de remboursement de plusieurs pays émergents et de leurs entreprises.
Les Etats et les entreprises des pays émergents devront rembourser l'an prochain l'équivalent de plus de 300 milliards de dollars (282,5 milliards d'euros) en devises étrangères, environ un tiers de plus qu'en 2016, rançon d'une montée de l'endettement favorisée par l'effondrement des taux dans les pays développés.
"Une des conséquences des politiques monétaires très accommodantes à l'échelle internationale au cours des dix dernières années est que les financements étaient facilement disponibles et qu'ils ont pu se diriger, dans certains cas, vers des recoins du marché qui ne les méritaient pas", a dit Graham Stock, responsable de la recherche sur la dette souveraine de la société de gestion BlueBay.
Dans le même temps, la phase de hausse du dollar commencée il y a cinq ans devrait se poursuivre en 2017, selon la dernière enquête Reuters auprès de responsables de stratégies changes.
Les pays émergents dont les comptes publics et les comptes extérieurs sont déficitaires, comme l'Indonésie, l'Inde, la Thaïlande, le Brésil, la Colombie, le Mexique ou la Turquie par exemple, apparaissent plus vulnérables.
Mais la Chine n'est pas à l'abri: les entreprises chinoises sont endettées à hauteur de 18.000 milliards de dollars, soit l'équivalent de 170% du produit intérieur brut (PIB) du pays, dont près de 800 milliards de dollars arriveront à maturité en 2017. Pékin n'a autorisé que 85 faillites cette année mais l'agence de notation chinoise Chengxin s'attend à ce que les défauts de paiements augmentent l'an prochain.
Les autorités chinoises peuvent continuer à piloter une dépréciation progressive du yuan, actuellement à un plus bas de huit ans et demi contre le dollar, afin de préserver leurs réserves de change, en baisse de près de 1.000 milliards depuis leur pic au printemps 2014.
"LA CHINE POURRAIT CONSTITUER UN RISQUE MAJEUR"
Mais cette politique ne sera pas sans conséquence pour les entreprises non financières endettées en devises étrangères et qui font face à l'équivalent de 530 milliards de dollars de tombées dans les 12 prochains mois, selon les estimations de l'Institute for International Finance (IIF).
"Si je devais prendre un pari pour 2017, je serais particulièrement inquiet sur la Chine. (La détérioration du secteur financier) s'accélère", a prévenu François Savary, responsable des investissements de Prime Partners. "La Chine pourrait constituer un risque majeur en 2017."
Les montants en jeu pour les entreprises non financières turques sont moins élevés avec 79 milliards de dollars de dettes en devises étrangères arrivant à échéance dans les douze prochains mois. La chute de la livre turque à des plus bas historiques risque toutefois de compliquer la tâche des débiteurs.
La contraction du PIB turc au troisième trimestre, la première depuis 2009, laisse augurer d'une augmentation des créances douteuses dans les portefeuilles des banques. La faiblesse des réserves de change comparée à la dette extérieure à court terme et l'ampleur du déficit des comptes courants, à 5% du PIB, renforcent les incertitudes.
Tout en soulignant que les entreprises turques ont jusqu'à présent pu refinancer leur dette sans difficulté, JPMorgan met en garde contre le déficit "dangereusement élevé" des comptes courants, qui implique que "les investisseurs vont rester en état d'alerte sur le risque d'un arrêt soudain des flux de capitaux".
Le Venezuela apparaît aussi particulièrement exposé même si PDVSA, le monopole pétrolier national, et le gouvernement ont jusqu'à présent assuré le service de la dette.
PDVSA a toutefois échangé en octobre l'équivalent de 2,8 milliards de dollars de dettes arrivant à échéance en 2017 contre des titres de maturité 2020, et il a sollicité une période de grâce pour le paiement d'un coupon sur une ligne obligataire à échéance 2035.
Le courtier Exotix, qui évalue à 10 milliards de dollars les remboursements et paiements d'intérêt que Caracas devra honorer en 2017, estime que le pays devrait parvenir à y faire face. Mais les pénuries alimentaires et une inflation à trois chiffres posent la question de la capacité des autorités à se maintenir au pouvoir.
Pour Graham Stock qui a réduit sa surpondération sur la dette vénézuélienne, "nous sommes proches du début de la fin sur la capacité de remboursement", du pays.
(Sujata Rao, Claire Milhench, Karin Strohecker et Marc Jones; Marc Joanny pour le service français, édité par Marc Angrand)