A Soroti, grosse localité rurale de l'est de l'Ouganda, les coupures d'électricité sont monnaie courante, comme dans tout le pays. Mais ses habitants espèrent qu'une nouvelle centrale solaire, tout juste ouverte, permettra de résoudre durablement ce problème.
Pour les commerçants de Soroti, les coupures d'électricité sont un souci permanent. A chaque fois, Hussein Samsudin prie pour qu'elles ne durent pas trop longtemps et que les produits frais de son magasin ne se retrouvent pas avariés.
Également propriétaire d'un petit magasin, Richard Otekat doit payer à un voisin un tarif horaire pour l'utilisation de son générateur lors des coupures, car lui-même ne peut pas s'en offrir un.
Une centrale solaire ouverte la semaine passée, d'un coût de 19 millions de dollars (18 M EUR) et d'une superficie d'environ 13 hectares, devrait toutefois venir à leur secours.
Première du genre en Afrique de l'Est, cette centrale peut produire l'équivalent de 10 mégawatts (MW), qui vont venir s'intégrer au réseau électrique ougandais.
Ce projet est crucial pour un pays où 80% des 40 millions d'habitants n'ont pas accès à l'électricité.
L'Ouganda possède un des plus faibles taux d'électrification en Afrique, selon le projet Climatescope de Bloomberg New Energy Finance (BNEF).
"Nous sommes une économie agricole. La majorité (des Ougandais) vit dans des zones rurales", observe Ziria Tibalwa Waako, la directrice par intérim de l'Autorité régulatrice du secteur électrique ougandais (ERA).
La principale source d'énergie des Ougandais est le feu de bois, explique-t-elle. D'autres utilisent le charbon de bois et le gaz, car l'électricité est tout simplement trop chère.
Mais l'énergie générée par la centrale solaire devrait contribuer à faire baisser le coût de l'électricité.
"L'électricité coûte cher. Ça mange notre marge", note Richard Otekat. "Malheureusement, quand il n'y a pas d'électricité pendant parfois six heures, on s'attend automatiquement à une perte", renchérit son confrère Hussein Samsudin.
Selon Christophe Fleurence, vice-président d'Eren Renewable Energy, une des entreprises chargées de faire fonctionner la centrale, celle-ci "fournira durablement de l'électricité propre et à faible teneur en carbone à 40.000 habitations, écoles et commerces dans la région".
Soroti, à 300 km de Kampala, est l'endroit "où le soleil est plus lumineux que n'importe où ailleurs en Ouganda", souligne-t-il.
- Deux autres centrales prévues -
Si des commerçants comme Samsudin et Otekat devraient bénéficier de la centrale, ce ne sera pas le cas de ceux qui ne sont pas rattachés au réseau national ou ne peuvent pas s'offrir d'électricité du tout.
Plusieurs pays africains et d'autres pays en développement ont pris l'initiative dans le domaine des énergies renouvelables, en se tournant vers le solaire pour compléter leur offre énergétique.
Les investissements dans les énergies propres ont doublé entre 2014 et 2015, pour atteindre 5,2 milliards de dollars (4,97 milliards d'euros) sur les 58 marchés émergents qu'étudie Climatescope.
Et BNEF a publié la semaine dernière des données montrant que le solaire a dépassé l'éolien comme source d'électricité la moins chère.
Outre l'Ouganda, le Sénégal, la Mauritanie, le Rwanda et le Kenya sont parmi les pays d'Afrique sub-saharienne qui ont investi dans de grands projets solaires.
Le Kenya construit ainsi une centrale solaire qui sera capable de fournir 55 MW, alors que le Rwanda travaille sur une centrale qui aura une capacité de 8,5 MW.
Les consommateurs qui ne comptent pas sur leur gouvernement peuvent aussi acheter des panneaux solaires pour approvisionner leur propre maison ou commerce.
"Avant, les gens marchaient deux ou trois km pour charger leur téléphone contre paiement, mais peu à peu certains ont acheté de petits panneaux solaires", constate un responsable local, Edward Esegu.
L'Ouganda espère tripler sa capacité électrique ces trois prochaines années, avec l'apport prévu de deux centrales solaires supplémentaires.
Mais Ziria Tibalwa Waako reconnaît que pour atteindre les villages les plus isolés, les petits réseaux électriques locaux sont le moyen le plus pratique et le moins coûteux.
"Nous reconnaissons que l'extension du réseau (national) dans les zones rurales les plus pauvres n'est pas viable financièrement car notre population est trop éclatée géographiquement", admet-elle.
Robert Otala a vendu certaines de ses terres pour que la centrale soit construite. Il vit maintenant à 300 m des panneaux, qui scintillent au soleil.
"C'est une bonne chose. Ça vient aider au développement de la région", se réjouit-il, même s'il n'est pas connecté au réseau national.