Prendre le populisme au sérieux, lutter contre l'évasion fiscale ou distribuer plus équitablement les richesses: l'élite économique réunie à Davos cherche des solutions pour renouer avec les classes moyennes occidentales après le Brexit et la victoire de Donald Trump.
"Si les politiciens n'ont pas capté le message maintenant, je me demande quand ils le feront", s'est interrogée la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, lors d'un débat au World Economic Forum (WEF) intitulé "comment renouer avec les classes moyennes".
La victoire de Donald Trump et le vote sur le Brexit on été analysés comme les symptômes du malaise des classes moyennes occidentales craignant d'être déclassées par la mondialisation.
La question des inégalités constitue l'un des sujets principaux cette année à Davos. En amont du Forum, l'ONG britannique Oxfam avait dénoncé que huit personnes sur la planète détiennent actuellement autant de richesse que la moitié la plus pauvre de la population mondiale, fustigeant une situation "indécente" qui "exacerbe les inégalités".
Face au mécontentement croissant des classes populaires et moyennes, Mme Lagarde a lancé un appel depuis les montagnes suisses. "Le moment est venu de dire quelles mesures nous prenons pour réduire les inégalités, de quel filet de sécurité disposent nos citoyens, quelle éducation ou formation nous avons mis en place", a-t-elle affirmé, assurant que sa propre institution s'était mise à travailler sur le problème des inégalités.
"Les préoccupations principales sont la corruption, la transparence et le besoin de rendre des comptes", a-t-elle détaillé.
"Il faudrait peut être veiller à ce que l'économie serve les intérêst d'une plus large part des parties prenantes des entreprises (...) qu'elles servent d'avantage les populations", a déclaré à l'AFP le PDG de Veolia Antoine Frérot, commentant cette évolution de Davos.
L'ancien secrétaire au Trésor, Larry Summers, aujourd'hui professeur à l'université de Harvard, a appelé à "lutter contre les paradis fiscaux et contre la corruption" pour retrouver la confiance de la classe moyenne.
Des recommandations qui ont fait éclater de rire le Prix Nobel d'Economie Joseph Stiglitz. "Ces gens ont contribué à mettre en place les conditions pour l'arrivée de Trump", a-t-il assuré à l'AFP, rappelant notamment que M. Summers était secrétaire du Trésor sous Bill Clinton. "Qu'on leur demande à eux comment régler le problème est un peu bizarre", a-t-il affirmé.
- Prendre au sérieux le populisme -
Lors du débat, le ministre italien des Finances, Pier Carlo Padoan, s'est distingué en appelant "à prendre au sérieux le populisme". "Tous ceux qui votent pour des idées populistes ne sont pas tous mauvais. Dans de nombreux cas, ce sont des bonnes personnes, de bons citoyens, qui ont de vraies préoccupations à propos de l'avenir de leurs enfants, l'emploi ou la sécurité, a-t-il expliqué.
Pour lui, il y a urgence: "Le temps passe et peut-être n'avons nous plus beaucoup de temps aujourd'hui", a-t-il prévenu lors de ce débat.
"Le populisme est aujourd'hui le plus grand problème à l'échelon mondial. Le problème économique numéro un est comment le populisme va se manifester cette année ou la prochaine", a confirmé Ray Dalio, du fonds d'investissements Bridgewater.
Quand elle évoque les solutions, Mme Lagarde reprend le discours classique du FMI, souhaitant des "réformes structurelles, fiscales et la politique monétaire". "Mais cela doit être original", ajoute-t-elle. "Cela signifie probablement une meilleure distribution (des bénéfices de la mondialisation) que ce que nous avons en ce moment.
De son côté, M. Summers propose des investissements dans les nouvelles technologies et dans l'éducation, ainsi qu'une "stratégie mondiale pour que l'intégration à cet échelon fonctionne pour les classes moyennes".
M. Stiglitz propose d'autres solutions, comme "réécrire les règles de l'économie". Pour les Etats-Unis, il propose notamment de rétablir les droits des travailleurs supprimés ces dernières années ou encore un système de santé.
En tant que seul représentant d'un pays émergent lors du débat, le ministre brésilien des Finances, Henrique Meirelles, a reconnu que la récession que traverse son pays a frappé les classes populaires. "Le moyen de s'en sortir pour une économie comme le Brésil est de renouer avec la croissance, de créer ainsi à nouveau des emplois et de moderniser notre économie", a-t-il assuré.