par Jan Strupczewski et Francesco Guarascio
BRUXELLES (Reuters) - L'inflation en zone euro a bondi en janvier, tandis que la croissance s'est accélérée et que le chômage est tombé à son plus bas niveau en plus de sept ans, sans que cela doive a priori pousser la Banque centrale européenne (BCE) à réfléchir par anticipation à une révision de son programme d'assouplissement quantitatif (QE).
La raison en est que la hausse de l'inflation dépouillée de ses éléments les plus instables reste modeste.
Les prix à la consommation dans les 19 pays ayant opté pour la monnaie unique ont augmenté de 1,8% sur un an en janvier, en nette accélération par rapport à la hausse de 1,1% constatée en décembre, suivant une première estimation livrée mardi par Eurostat.
L'inflation se rapproche ainsi sensiblement de l'objectif que s'est fixé de la Banque centrale européenne (BCE) d'une inflation inférieure à mais proche de 2% à moyen terme.
Le rythme d'inflation du mois de janvier est le plus soutenu depuis février 2013.
En France, l'inflation a également fait un bond en avant en janvier, tout comme en Allemagne, ce qui ne devrait pas manquer, malgré tout, d'alimenter le débat récurrent sur la nécessité de modifier la politique monétaire de la BCE, que certains jugent trop accommodante.
L'inflation annuelle a été de 1,4% en France, au plus haut depuis novembre 2012, après 0,6% en décembre, selon une première estimation publiée mardi par l'Insee.
En Allemagne, le rythme d'inflation, dont la première estimation a été publiée lundi, ressort à 1,9% sur un an, du jamais vu depuis trois ans et demi.
Toutefois, l'inflation "core" en zone euro, c'est-à-dire hors éléments volatils que sont l'énergie et les produits alimentaires non transformés, est restée stable à 0,9% ce mois-ci en variation annuelle.
C'est cette forme particulière de l'inflation qui tient lieu de référence pour la BCE, qui rachète chaque mois pour 60 milliards d'euros d'actifs mois dans le cadre de sa politique de relance de l'inflation et soutien à la croissance et le président Mario Draghi n'a pas l'intention de s'en tenir aux seules fluctuations des prix de l'énergie pour décider si la trajectoire d'inflation se redresse de manière convaincante.
"Dans la mesure où l'inflation 'core' reste faible il est peu probable que la BCE changera de cap" sur le QE, a dit Bert Colijn, économiste d'ING (AS:INGA).
Hormis une "surprise de taille" pour cette inflation, la BCE ne commencera pas à dénouer son programme QE avant l'an prochain, ajoute-t-il.
Les prix de l'énergie dans les 19 pays de la zone euro ont augmenté de 8,1% en taux annuel, après un gain de 2,6% en décembre, tandis que les prix des produits alimentaires non transformés ont progressé de 3,3%.
Parallèlement, Eurostat a annoncé une légère accélération de la croissance en zone euro, à 0,5% au quatrième trimestre, contre 0,4% au troisième, ce qui était prévu par les économistes.
En variation annuelle, la croissance de la zone euro au quatrième trimestre est restée stable, à 1,8%, et sur l'ensemble de l'année 2016, elle ressort à 1,7%, après un pic de cinq ans de 2,0% en 2015.
"Nous pensons que la zone euro aura peut-être du mal à tenir le rythme en raison de solides incertitudes politiques en 2017 et d'une probable réduction du pouvoir d'achat du consommateur du fait d'une inflation plus haute", observe Howard Archer, économiste d'IHS Global Insight.
Ce dernier anticipe pour la zone euro une croissance de 1,6% en 2017 et en 2018.
L'amélioration de la croissance a également contribué à faire légèrement reculer le chômage en zone euro, ramenant son taux de 9,7% à 9,6%, au plus bas depuis mai 2009, soit avant que ne se déclenche la crise de la dette grecque.
"On se rapproche de chiffres qui justifieraient plus de pressions salariales mais cela n'arrivera sans doute pas de manière sensible au premier semestre 2017", poursuit Colijn.
"Néanmoins, la BCE examinera ce paquet de données avec des sentiments mitigés car cela montre bien que l'économie évolue dans le bon sens mais il est probable aussi que les 'faucons' ne vont par rater le coche".
(Avec Philip Blenkinsop, Juliette Rouillon et Claude Chendjou pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)