Pendant près de 20 ans, Mario Vigentini a travaillé auprès de jeunes handicapés. Confronté à leurs problèmes quotidiens, cet Italien a eu l'idée de créer un fauteuil roulant complètement innovant afin d'améliorer leur vie et changer le regard porté sur eux.
Ce fauteuil électrique sur deux roues --au lieu de quatre--, à l'assise ergonomique et au design moderne, s'inspire des Segway, ces moyens de transports électriques qui permettent de visiter une ville en restant debout.
Ses avantages: un guidage sans les mains, un confort amélioré, mais aussi une assise plus haute permettant à la personne handicapée d'être à la hauteur des valides et réaliser des tâches de la vie quotidienne, comme commander un café au comptoir d'un bar ou prendre un livre dans une étagère en hauteur, tâches quasi impossibles habituellement.
L'initiative a été présentée en juin aux ministres des Transports du G7 à Cagliari (Sardaigne) comme un exemple emblématique d'innovation au service de la mobilité.
L'objectif était de créer "un outil d'intégration sociale", explique à l'AFP Mario Vigentini, 45 ans, rencontré au siège de son entreprise à Bergame (nord).
Marioway est "le résultat de mon travail d'éducateur pendant près de 20 ans auprès de jeunes handicapés, tant mentaux que physiques, explique-t-il, ce fut une aventure extraordinaire".
Pourtant, "quand je les accompagnais en dehors du centre (...) je voyais que l'attitude des gens était pleine de préjugés. Dans le meilleur des cas, ils s'approchaient d'eux comme d'un enfant", raconte-t-il, comme si l'asymétrie physique créait une asymétrie relationnelle.
- "Extraterrestre" -
Il réfléchit alors à la manière de changer les choses, et lui vient l'idée d'"essayer de mettre un siège ergonomique -- comme ceux venus des pays nordiques qui étaient très à la mode dans les années 90 -- sur un Segway".
"Neuf personnes sur dix à qui je parlais de cette idée me regardaient comme si j'étais un extraterrestre", raconte-t-il. Mais quelqu'un lui suggère de participer à un concours de start-up à Naples (sud) en 2012: il arrivera en finale.
De là, une équipe se met en place, travaillant notamment sur l'ergonomie, en collaboration avec une dizaine d'handicapés.
Dans un fauteuil traditionnel, "la personne se trouve dans une posture où tous les angles sont fermés. Les organes de la partie haute du tronc sont compressés", tandis que "la quasi totalité du poids repose sur l'ischion", un os du bassin, explique-t-il.
Une position qui "aggrave les pathologies des personnes handicapées et en induit d'autres, sur le plan digestif, respiratoire, urinaire ou circulatoire", note-t-il, ajoutant qu'elle favorise également l'atrophie des muscles des jambes.
"MarioWay fait exactement le contraire. Tous les angles sont ouverts, la partie haute du tronc est redressée..." avec tous les bénéfices inhérents pour la santé, affirme M. Vigentini.
- "Dé-getthoïser" -
La mobilité est intuitive, MarioWay étant équipé de "capteurs qui lisent la position du corps": "Si je bouge légèrement en avant la partie supérieure du tronc, MarioWay avance légèrement, même chose pour bouger en arrière, tandis que pour aller sur le côté, il suffit de bouger légèrement le bassin à droite ou à gauche", explique Flaviano Tarducci, chargé du développement de l'entreprise.
Ce dispositif favorise l'autonomie, permettant de réaliser des gestes représentant jusqu'alors un parcours du combattant, comme ouvrir et passer une porte, ou transporter un verre, ou même de jouer au basket.
Dans le but de "dé-getthoïser" le fauteuil roulant, qui n'avait quasiment pas évolué en près d'un siècle, l'équipe a beaucoup travaillé sur le design -- un temps même avec une entreprise customisant des Harley Davidson.
En raison de l'importance du travail artisanal, MarioWay, qui a commencé à être commercialisé il y a quelques semaines, coûte 19.300 euros, alors que le prix d'un fauteuil roulant électrique va de 1.500 euros, pour un modèle très basique, à 30.000 euros.
Mais "nous faisons tout notre possible" pour atteindre un "prix plus démocratique" --l'objectif est autour de 10.000 euros-- en concluant un accord avec un partenaire industriel, précise M. Vigentini.
En rêvant qu'un jour MarioWay, qui se déplace à 20 km/h avec une autonomie de 30 kilomètres, puisse être utilisé dans les centres urbains, y compris par les valides, permettant ainsi de ne plus faire de différence entre handicapés et non-handicapés.