PARIS (Reuters) - La France sera vigilante quant à la mise en oeuvre du traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada (CETA), qui entre en vigueur jeudi dans sa quasi-totalité, et a bon espoir de progresser sur le développement durable, parent pauvre de l'accord, dans un cadre bilatéral, dit-on de sources françaises.
Le Parlement européen a ouvert la voie en janvier dernier à l'application provisoire de cet accord contesté aux multiples ramifications qui lève notamment près de 99% des droits de douane entre les deux zones et doit permettre aux entreprises canadiennes et européennes de participer aux marchés publics, de services et d'investissements de l'autre partie.
En France, les ONG et une partie de la classe politique, du Front national à l'extrême gauche, pressent l'exécutif de suspendre l'application de ce traité de "nouvelle génération" qui met en cause selon eux les normes sociales et environnementales européennes.
Ils s'inquiètent en outre du futur mécanisme d'arbitrage chargé de trancher une litige entre entreprises et Etats, à l'origine d'un conflit avec la Wallonie en 2016. Ce tribunal n'entrera toutefois en vigueur qu'une fois le texte ratifié par les 38 parlements régionaux ou nationaux de l'UE.
La procédure, qui prendra des années, reste incertaine : un seul "non" parmi les 38 instances concernées, et l'accord, dont la négociation avait débuté en 2009, sera enterré.
Pour l'heure la partie française - on ignore le calendrier de ratification en France - ne veut y avoir que des avantages.
"Cet accord ne change rien aux normes européennes et facilite le commerce en rapprochant les normes techniques", dit-on.
CRAINTES SANS FONDEMENT
"Ça nous rapproche aussi sur un corps de règles environnementales", ajoute-t-on en citant par exemple le consentement du Canada à la protection de 143 "indications géographiques" (IG) - les spécialités alimentaires telles que le Roquefort français ou le vinaigre balsamique de Modène.
On juge infondées les craintes des éleveurs français, notamment, quant à l'arrivée sur le marché européen de produits alimentaires contenant, selon la FNSEA, "46 molécules interdites sur le territoire européen".
"Ce qui était interdit hier est toujours interdit. De ce point de vue, ces craintes sont sans fondement, y compris pour le consommateur", souligne-t-on.
Le rapport d'experts sur le traité demandé par Emmanuel Macron, dont les conclusions ont été rendues publiques le 8 septembre, relève toutefois que des questions restent sans réponse sur le commerce des viandes (alimentation des élevages, utilisation de médicaments...) et note les "exigences moindres" du Canada en matière de pesticides, d'hormones de croissance ou d'OGM.
Le CETA accorde une place importante à la coopération réglementaire, qui vise à lever les obstacles jugés inutiles en ce domaine. Sont notamment prévus des comités commerce et développement durable ou sur les mesures sanitaires et phytosanitaires.
"On va être vigilants sur la mise en oeuvre et les risques de capture du régulateur", précise-t-on côté français à propos de l'action présumée des groupes de pression. "Notre action va porter sur la composition des comités et leurs modalités de fonctionnement."
"Le fait que ce soit un accord 'vivant', d'un point de vue politique, est une opportunité au regard des juristes qui y voient un moyen de rapprocher le Canada des standards européens là où il peut y avoir encore des divergences", plaide-t-on.
Les experts déplorent dans leur rapport le "manque d'ambition" du CETA au chapitre environnemental. Ce que des négociateurs ne nient pas. "En la matière, l'accord aurait pu être une occasion qui n'a pas été saisie, mais ce n'était pas non plus sa vocation".
A ce titre, dit-on, la France est déterminée à travailler de manière bilatérale avec les Canadiens, signataires de l'accord de Paris sur le climat, pour rattraper ce "loupé" environnemental.
(Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)