Juste avant d'accueillir François Hollande, président d'une France en panne de croissance, le Premier ministre japonais Shinzo Abe a affirmé jeudi à l'AFP que sa politique surnommée "Abenomics" était la "seule possible" pour relancer l'économie nippone dont il veut faire un "moteur" de l'activité mondiale.
Interrogé sur une évaluation récente du Fonds monétaire international (FMI) qui évoque des "risques considérables", M. Abe a estimé dans cet entretien exclusif que la politique qu'il mène depuis six mois est "la seule possible" et que l'économie "se redresse doucement".
Un "doucement" qui a déjà de quoi faire pâlir d'envie nombre de pays empêtrés dans la récession, notamment la France dont le chef de l'Etat est arrivé pour une visite d'Etat de trois jours au Japon.
La troisième puissance économique mondiale est sortie au dernier trimestre 2012 de six mois de récession sur fond de conjoncture mondiale déprimée.
La croissance s'est accélérée ensuite et plusieurs clignotants se sont mis au vert, même si l'investissement privé (hors immobilier) a continué de reculer au premier trimestre, un signe que les entreprises restent encore prudentes face aux "Abenomics".
Fort de cette embellie, qui n'est pas forcément entièrement imputable à sa politique dont il est trop tôt pour évaluer les effets selon des économistes, Shinzo Abe a défendu jeudi sa politique en estimant que "le redémarrage économique (du Japon) va sans aucun doute et de façon significative contribuer à la croissance de l'économie globale, y compris les pays en voie de développement".
La veille, il avait même affirmer qu'il était "temps pour le Japon d'être le moteur de la reprise internationale".
Au passage il en a profité pour nier auprès de l'AFP que le Japon ait pratiqué une politique visant à dévaluer artificiellement le yen par rapport au dollar et à l'euro (environ 20%) dans le but de favoriser ses exportations: "Ceci est faux", a-t-il affirmé, alors que tant au Japon qu'à l'étranger, ses "Abenomics" sont scrutés à la loupe.
Ainsi la semaine dernière, le FMI a-t-il salué sa politique de relance mais l'a pressé d'adopter des réformes structurelles sous peine d'entraîner des "risques considérables" pour l'économie nippone.
Vaincre la déflation
"Le Japon a un problème de dette accumulée. Si nous ne parvenons pas à vaincre la déflation, ce problème ne sera pas résolu", a lui-même concédé jeudi M. Abe, alors que la dette intérieure a atteint le chiffre record de 245% du produit intérieur brut (PIB) en 2013, selon le FMI.
Pour en finir avec la déflation qui plombe la croissance nippone depuis une quinzaine d'années (entreprises qui rechignent à investir, consommateurs qui repoussent leurs achats), Shinzo Abe a concocté un cocktail de souplesse budgétaire et monétaire avec une banque centrale qui ouvre grand les vannes, et de "stratégie de croissance" qui reste toutefois à entièrement définir.
Mercredi, devant des patrons, il a répété que la clé du succès résidait dans le secteur privé et que donc l'Etat devait avant tout lui faciliter la tâche en réformant et dérégulant.
Interrogé jeudi sur la nécessité d'augmenter les salaires dans le privé pour que la consommation augmente, il est resté prudent: "j'espère que ce sera le cas le plus tôt possible".
De tout cela, il devrait être beaucoup question durant les entretiens à Tokyo de François Hollande avec lequel M. Abe dit vouloir "construire une relation de confiance".
Tout en disant "apprécier" le soutien de Paris à un siège de membre permanent pour le Japon au Conseil de sécurité de l'ONU en cas de réforme, Shinzo a rappelé la dimension de "grande puissance maritime" de la France.
"La France et le Japon doivent collaborer non seulement sur le plan économique, mais aussi collaborer à l'heure d'un changement des conditions de sécurité dans la région Asie-Pacifique. Notre époque y appelle", a-t-il poursuivi, dans une allusion indirecte à la montée en puissance maritime de la Chine dans la région.