par Noëlle Mennella et Natalie Huet
PARIS (Reuters) - Déçu par sa médiocre performance boursière en Europe, Nicox envisage une cotation sur le Nasdaq américain, qui assurerait à la biotech française une plus grande visibilité après la commercialisation prévue à la mi-2016 aux Etats-Unis de son nouveau traitement contre le glaucome.
Dans un entretien accordé à Reuters, le PDG de Nicox déplore le traitement réservé par les investisseurs européens à la société depuis l'échec en 2010 de son médicament contre l'arthrose, le Naproxcinod, qui lui a fait perdre les trois-quarts de sa valeur boursière et l'a poussé à se recentrer sur l'ophtalmologie, un marché estimé à près de 20 milliards de dollars dans le monde.
"Aux Etats-Unis, face à un échec, on peut recommencer. En Europe, on passe pour une bande d'idiots, d'incompétents et de malhonnêtes. Il faut peut-être abandonner l'Europe. (...) Une opportunité que l'on envisage dans le futur éventuellement, c'est d'avoir un listing sur le Nasdaq", déclare Michele Garufi.
"Je dois donner de la valeur à la société. Personnellement, je suis convaincu qu'une introduction au Nasdaq serait un succès", estime le PDG, alors que les biotechs américaines superforment nettement en Bourse leurs homologues européennes depuis 2011.
Jugeant "terrible" le cours actuel de l'action Nicox (2,15 euros vers 15h00, soit une capitalisation boursière de moins de 170 millions), le PDG estime que les résultats positifs d'une étude de phase III publiés par son partenaire Bausch & Lomb concernant le Vesneo, un médicament contre le glaucome, sont susceptibles de convaincre les investisseurs anglo-saxons.
"C'est ridicule… si vous prenez seulement la valeur de Vesneo aujourd'hui et les milestones et royalties qu'on devrait prendre ça vaut beaucoup plus que le double', se désole Michele Garufi.
Selon l'accord de licence mondial signé avec Bausch & Lomb, Nicox percevra des redevances nettes potentielles de 6 à 11%, échelonnées selon les ventes.
VISE 5 A 10% DU MARCHE US DE L'ALLERGIE OCULAIRE
Le marché mondial de cette maladie dégénérative du nerf optique entraînant une perte progressive de la vision pèse 5,8 milliards de dollars dont deux milliards aux Etats-Unis.
La filiale du canadien Valeant Pharmaceuticals International qui a mené les études de phase III du Vesneo, un produit découvert par NicOx, prévoit de soumettre une demande d'autorisation de mise sur le marché américain à la mi-2015 ouvrant la voie à une commercialisation à la mi-2016.
Les pics de ventes du Vesneo pourraient atteindre environ 500 millions de dollars aux Etats-Unis et un milliard à l'échelle mondiale, estiment les sociétés.
Le recentrage de la biotech de Sophia-Antipolis (Alpes-Maritimes) sur l'ophtalmologie s'est opéré grâce à de multiples acquisitions. Récemment, Nicox a fait un grand pas en ce domaine, en signant un accord en vue d'acquérir l'américain Aciex, sur lequel ses actionnaires doivent se prononcer le 22 octobre prochain.
Si l'opération était approuvée, Nicox pourrait renforcer son portefeuille de candidats médicaments en phase III avec l'AC-170 dans la conjonctivite allergique et s'attaquer au marché américain des produits oculaires contre l'allergie qui pèse plus de 800 millions de dollars par an.
"C'est un marché en expansion, une nouvelle molécule intéressante, donc on pense prendre entre 5 et 10% du marché", observe Michele Garufi.
Comme pour beaucoup de sociétés de biotechnologies, les comptes de Nicox sont toujours dans le rouge. La société a bouclé l'exercice 2013 avec une perte de 18,1 millions d'euros sur la base d'un chiffre d'affaires de 747.000 euros.
Le PDG ne prévoit pas d'atteindre l'équilibre avant 2017, mais les pertes devraient être sensiblement réduites en 2015 après une année 2014 également déficitaire.
La capital de Nicox est actuellement très éclaté, avec un flottant de 84,28% à fin septembre détenu en grande partie par des petits porteurs français. Le premier actionnaire du groupe est la banque publique Bpifrance avec 5% environ.
(Avec la contribution d'Alexandre Boksenbaum-Granier pour les graphiques, édité par Jean-Michel Bélot)