Les exigences du gendarme de l'atome pour renforcer la sûreté des installations nucléaires françaises vont obliger leurs exploitants, essentiellement EDF, à réaliser de lourdes dépenses, un impact financier important mais qui ne devrait pas bouleverser leur modèle économique.
En présentant les conclusions des évaluations complémentaires des installations nucléaires décidées après la catastrophe de Fukushima, l'ASN a évoqué des investissements "massifs" pour leurs exploitants, à savoir EDF, qui gère un parc de 58 réacteurs nucléaires en France, ainsi qu'Areva dont 5 sites industriels sont concernés, et le Commissariat à l'énergie atomique (CEA).
EDF a déjà calculé qu'il devra supporter un surcoût allant jusqu'à 10 milliards d'euros suite à ce rapport très attendu, par rapport aux investissements colossaux qu'il avait déjà programmés pour prolonger la durée de fonctionnement de ses installations.
"Pour pouvoir exploiter notre parc de 58 réacteurs jusqu'à 60 ans, nous avions quantifié les dépenses nécessaires à environ 40 milliards d'euros" sur une trentaine d'années, et "nos premières estimations montrent qu'on devrait rester dans une fourchette de 40 à 50 milliards d'euros", a déclaré à l'AFP Jean-Marc Miraucourt, directeur de l'ingénierie du parc nucléaire d'EDF.
Pas de quoi "révolutionner" donc le modèle d'activité du groupe, ni le pousser à fermer des installations parce qu'elles seraient devenues trop coûteuses à exploiter, assure-t-il, tout en indiquant qu'EDF devra accélérer certains travaux.
Par ailleurs, le groupe n'a pas chiffré l'impact au niveau des factures d'électricité des Français, mais le ministre de l'Energie Eric Besson a invoqué une augmentation "moins de 2%" par an.
De son côté, Areva assure qu'il se pliera aux exigences de l'ASN, sans pouvoir chiffrer leur coût à ce stade. "La sûreté est et reste plus que jamais la priorité" du groupe et "nous nous engageons à suivre les recommandations de l'ASN", a indiqué une porte-parole.
Et le groupe nucléaire public de rappeler qu'il a déjà prévu de consacrer environ deux milliards d'euros sur les cinq ans à venir au renforcement de la sûreté de ses installations, soit 400 millions d'euros par an, anticipant ainsi largement sur les conclusions de l'ASN. Et ce, malgré la mauvaise passe financière que traverse Areva, qui s'attend à essuyer de lourdes pertes sur l'exercice 2011.
De plus, Areva pourrait même profiter par ricochet des dépenses qu'EDF devra consacrer au renforcement de la sûreté de son parc. Le groupe présidé par Luc Oursel est lui-même présent dans les services aux exploitants de centrales, et mise sur le développement de cette activité au niveau mondial grâce aux contraintes imposées aux opérateurs à la suite de Fukushima.
Au final, les tests menés par l'ASN se concluent donc sans trop de dommages pour les industriels. EDF a échappé à une fermeture prématurée de ses centrales les plus anciennes, comme Fessenheim en Alsace, l'ASN ayant jugé que l'ensemble des réacteurs existants pouvaient continuer à fonctionner, comme le défendait le fournisseur d'énergie, pourvu que leur sûreté soit améliorée.
Une fermeture aurait porté au contraire un coup très dur à l'opérateur historique, qui aurait alors été contraint de dépenser des sommes énormes pour démanteler les installations décrétées obsolètes, et construire de nouveaux équipements pour maintenir ses capacités de production.
A la Bourse de Paris, les investisseurs n'ont guère réagi au rapport de l'ASN, signe qu'ils jugent les coûts largement absorbables par le secteur. L'action EDF a terminé en baisse de 0,13% à 19,22 euros, tandis qu'Areva gagnait 1,69% à 19,31 euros, dans un marché en hausse de 0,72%.
Cependant, l'élection présidentielle, qui se déroulera au printemps, risque peut-être de changer la donne. Le porte-parole des Verts alsaciens, Alain Jund, a d'ailleurs lancé un avertissement en ce sens, en prévenant que "ce ne sont pas les scientifiques qui décideront de l'avenir de Fessenheim, mais les politiques".