par Shadia Nasralla
VIENNE (Reuters) - Les pays producteurs de pétrole ne sont guère susceptibles de s'entendre sur des mesures visant à faire remonter les cours après le rejet par l'Iran, l'Irak et la Russie jeudi d'une proposition de baisse concertée de la production apparemment formulée par l'Arabie saoudite.
L'Arabie saoudite, premier producteur de brut au sein de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), était prête à suggérer aux autres membres du cartel une diminution d'un million de barils par jour de la production à condition que les pays non-Opep participent à l'initiative, a rapporté le site spécialisé Energy Intelligence.
Une source saoudienne a ensuite qualifié ces informations de "sans fondement". Mais cela n'a pas empêché Energy Intelligence de maintenir sa version des faits.
Les cours du pétrole, également favorisés par la chute du dollar, ont bondi d'environ 3% à la suite de ces informations mais les analystes sont d'avis qu'un accord mondial est hors de portée.
L'Arabie saoudite a dit à plusieurs reprises par le passé qu'elle n'accepterait une baisse de sa production qu'à condition que les autres membres de l'Opep et des pays en dehors de l'organisation suivent le mouvement.
Selon Energy Intelligence, citant un délégué de l'Opep, Ryad serait prêt à diminuer sa production si l'Irak accepte de geler la hausse prévue de la sienne et si l'Iran ainsi que la Russie, le Mexique, Oman et le Kazakhstan -- ces quatre derniers pays n'étant pas membres de l'Opep -- consentent également à des baisses de production.
Les Saoudiens aimeraient qu'un tel accord soit mis en oeuvre l'an prochain mais ne s'attendent pas à une décision définitive dès vendredi à Vienne, ajoute-t-on de même source.
Une telle proposition destinée à équilibrer les cours marquerait un revirement dans la stratégie de l'Opep, qui visait jusqu'à présent à défendre ses parts de marché en maintenant un niveau de production élevé.
L'Opep tiendra vendredi sa réunion officielle à Vienne. Jeudi a été, fait rare, organisée une réunion officieuse entre les membres de l'Opep, au cours de laquelle rien n'a été décidé.
PAS DE COOPÉRATION DEPUIS 15 ANS
La Russie ainsi que l'Iran et l'Irak ont rapidement réagi pour écarter l'idée d'une baisse de la production de leur part. La dernière fois que les pays de l'Opep et ceux qui n'en font pas partie ont uni leurs forces pour soutenir les cours remonte à quinze ans, quand le marché pétrolier avait subi de plein fouet la crise financière de 1998.
Depuis, la Russie a maintes fois refusé toute action coordonnée et a fait monter sa production de 70% sur la période. L'Iran veut de son côté augmenter la sienne dans la perspective de la levée des sanctions occidentales.
"Nous n'acceptons aucune discussion sur l'augmentation de la production de l'Iran après la levée des sanctions", a déclaré le ministre iranien du Pétrole, Bijan Zangeneh. "C'est notre droit et personne ne peut s'y opposer".
"Et nous attendons de nos collègues de l'Opep qu'ils ne nous mettent pas la pression en la matière (...) C'est inacceptable, c'est injuste."
L'Iran va augmenter sa production d'un million de barils par jour après avoir été contraint pendant des années à la limiter en raison des sanctions occidentales liées à son programme nucléaire, a ajouté Bijan Zangeneh.
Le ministre russe de l'Energie, Alexander Novak, a dit à l'agence de presse RIA qu'il ne voyait pas non plus la nécessité pour son pays de baisser sa production, ajoutant qu'il ne s'attendait pas à voir l'Opep changer de politique en la matière lors de sa réunion de vendredi.
Son homologue irakien, Adel Abdel Mahdi, a de son côté déclaré que l'Irak, qui a enregistré cette année une hausse spectaculaire de sa production, s'en tenait à ses plans.
Le prix du baril a baissé de plus de moitié en 18 mois, passant de 115 dollars à moins de 45 dollars. Le relèvement des taux d'intérêt américains, attendu par les marchés pour la mi-décembre, pourrait accentuer la baisse, qui s'explique principalement par l'excès de l'offre face à une demande atone.
La stratégie de défense de ses parts de marché adoptée par l'Opep a atteint l'un de ses objectifs en étouffant l'explosion de la production de pétrole de schiste aux Etats-Unis. La production des pays hors-Opep devrait en outre baisser en 2016 pour la première fois en près de dix ans en raison de coupes dans les investissements.
Le problème de l'abondance de l'offre subsiste cependant, ce qui conduit les membres les plus fragiles du cartel, qui craignent de voir le baril sombrer vers les 20 dollars le baril, à exprimer de plus en plus ouvertement leurs critiques de la stratégie voulue par Ryad.
(Avec la contribution de Rania El Gamal, Reem Shamseddine et Vladimir Soldatkin, Bertrand Boucey, Patrick Vignal et Benoît Van Overstraeten pour le service français)