Le gouvernement français, qui dévoilera mercredi ses pistes pour réduire les déficits publics et tenter de rassurer les marchés sur l'orthodoxie budgétaire de la France, se prépare à une série de choix cornéliens afin de ne pas sacrifier la croissance sur l'autel de la rigueur.
Lundi, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde exhortait toutes les économies de la planète et en premier lieu les plus "avancées" d'entre elles à ne pas tuer la croissance en luttant contre la dette.
"Elle a parfaitement raison, mais en France et en l'absence des grandes réformes prônées par le FMI et l'OCDE, mis à part celle des retraites, c'est la quadrature du cercle", prévient Nicolas Bouzou, du cabinet d'analyses économiques Asterès.
Dans le passé, fait-il valoir, "les plans d'austérité étaient accompagnés d'une dévaluation pour regagner en croissance, grâce aux exportations, ce que l'on perdait en demande intérieure", qu'il s'agisse du tournant de la rigueur pris par la gauche au début des années 80 ou du plan Pinay-Rueff de 1958.
Depuis l'avènement de l'euro, au tournant du siècle, cette martingale a vécu et le problème, selon l'économiste, est désormais de "faire de l'austérité avec une monnaie surévaluée".
La solution, pour Nicolas Bouzou, passerait par des réformes structurelles de la société française, mais à un mois de la présentation du budget 2012 et à l'approche d'une année d'élections présidentielle et législatives, il est tout simplement "trop tard".
Le gouvernement, quant à lui, jure de ramener les déficits publics à 5,7% du PIB dès cette année, 4,6% l'an prochain et 3% en 2013. Pour booster les recettes fiscales avec une croissance en panne (0% au deuxième trimestre), il envisage un coup de rabot sur les niches fiscales et divers autres mesures telle une taxation exceptionnelle des "ultra-riches". Une augmentation générale des impôts est cependant exclue. Elle casserait, assure-t-il, la croissance.
"Le débat actuel sur les 10 milliards d'euros à trouver est biaisé parce que se mêlent des considérations économiques et électorales", dénonce cependant Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS. L'économiste pointe deux symboles du quinquennat de Nicolas Sarkozy, l'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires et "la niche des limonadiers", autrement dit la TVA à taux réduits sur la restauration (2,4 milliards d'euros de coût annuel).
"Il va falloir une maîtrise d'acier des finances publiques pour que la France conserve son triple A, d'autant que les mécanismes européens de solidarité nous font dépendre de plus en plus des marchés", prévient-il encore. Plus généralement, Elie Cohen s'alarme du ralentissement de la croissance mondiale.
Chef économiste du Crédit agricole, Jean-Paul Betbèze vante la rigueur à l'allemande. "Quand la France faisait évoluer ses salaires plus vite que la productivité, perdant des parts de marché à l'extérieur, l'Allemagne a fait l'inverse", explique-t-il.
"Ca s'appelle la rigueur", tandis que l'austérité en France sera la conséquence de trente années de déficits accumulés, poursuit l'économiste.
Selon lui, une "politique de rigueur sans casser la croissance est encore possible, mais à condition de l'expliquer et qu'un dialogue s'instaure entre partenaires sociaux, comme en Allemagne" où l'économie sociale de marché a été sauvée par dix années de modération salariale.
La question sera sans nul doute dans tous les esprits quand le Premier ministre François Fillon recevra les syndicats pour débattre des effets sociaux d'une austérité que le gouvernement n'ose encore appeler "rigueur", un mot tabou depuis les grandes grèves de 1995 contre le "plan juppé".