Le Premier ministre britannique David Cameron a appelé lundi à ne pas tourner le dos à l'Europe après le choc du vote pour un Brexit, et essayé de rassurer les marchés sur la capacité de surmonter la crise qui déchire son pays.
Mais alors que les Européens pressent pour un divorce rapide, l'agence de notation Standard & Poor's a retiré lundi au Royaume-Uni sa précieuse note "AAA", qu'elle lui attribue depuis un demi-siècle et qui lui permet d'emprunter à des taux avantageux sur les marchés. Le pays voit sa note dégradée de deux crans, à AA.
M. Cameron a pourtant tenté de calmer les inquiétudes en affirmant, devant le parlement, que les fondamentaux économiques britanniques étaient bons et permettraient au pays de faire face aux incertitudes résultant du référendum.
Plus tôt, le ministre des Finances George Osborne avait aussi tenté de rassurer les marchés : l'économie britannique est "prête à affronter ce que l'avenir nous réserve", a-t-il assuré, promettant que le processus de sortie de l'UE ne sera enclenché "que lorsque nous aurons une vision claire des nouveaux arrangements que nous recherchons avec nos voisins européens".
Un sondage paru lundi montre cependant qu'un cinquième des dirigeants d'entreprises britanniques envisagent de délocaliser une partie de leur activité.
De son côté, la Bourse de Londres restait très nerveuse, avec un plongeon des valeurs bancaires et immobilières ou des compagnies aériennes. La livre britannique continuait de dévisser et a touché dans la matinée de nouveaux plus bas en 30 ans face au dollar.
"Le Royaume-Uni quitte l'Union européenne mais ne doit pas tourner le dos à l'Europe et au reste du monde", a déclaré David Cameron devant les députés, revenus en session après une pause pour le référendum.
"Nous devons déterminer le genre de relation que nous voulons désormais avoir avec l'UE", a ajouté M. Cameron, précisant que ce sera toutefois à son successeur de le faire. Successeur qui sera désigné d'ici le 2 septembre, a indiqué de son côté le parti conservateur.
Londres a annoncé la création d'un département spécial au sein du gouvernement pour gérer la question du Brexit.
- "Ne pas perdre de temps" -
Outre les retombées économiques, Londres doit gérer l'impatience de ses partenaires européens qui veulent une sortie rapide et essaient de trouver une stratégie commune concernant les bouleversements en cours.
Le président français François Hollande a appelé à "ne pas perdre de temps" pour le départ du Royaume-Uni de l'UE.
Réunis à Berlin, l'Allemagne, la France et l'Italie ont annoncé vouloir proposer une "nouvelle impulsion" du projet européen après le vote en faveur du Brexit, et exclu toute négociations avec le Royaume-Uni tant que la demande de sortie de l'UE n'aura pas été formalisée.
"Je regrette personnellement que le Royaume-Uni ne sera plus à la table des discussions quand il y aura un dialogue Etat-Unis/UE", a déclaré le chef de la diplomatie américaine John Kerry, en visite à Londres, ajoutant que la Grande-Bretagne continuera d'être une "voix puissante".
M. Kerry avait appelé plus tôt les Européens à "ne pas perdre la tête".
Côté britannique, le chef de file des partisans du Brexit, le conservateur Boris Johnson, qui ambitionne de succéder à David Cameron,a adopté un ton inhabituellement conciliant avec ses adversaires d'hier, en assurant que le Royaume-Uni fait "partie de l'Europe" et que la coopération avec ses voisins allait "s'intensifier".
Dans une tribune parue dans le Daily Telegraph, il a réaffirmé que la sortie de l'UE "n'interviendra pas dans la précipitation" et appelé ceux qui ont voté pour le Brexit à "construire des ponts" avec ceux qui voulaient rester.
La presse britannique assurait que, face à l'ex-maire de Londres, la ministre de l'Intérieur Theresa May devrait incarner la candidature "anti-Boris" au sein du parti conservateur pour le poste de Premier ministre.
Signe d'un Brexit qui a du mal à passer chez une partie des Britanniques, en particulier les jeunes, une pétition réclamant l'organisation d'un deuxième référendum dépassait lundi soir les 3,8 millions de signataires. Et une manifestation est prévue mardi en fin de journée à Trafalgar Square (NYSE:SQ) pour protester contre le résultat du référendum.
- Incidents xénophobes -
La campagne pour le Brexit, qui a fait de l'immigration un thème central, a par ailleurs réveillé certains comportements xénophobes.
L'ambassade de Pologne à Londres s'est dite "choquée et profondément préoccupée par de récents incidents xénophobes à l'encontre de la communauté polonaise", des incidents que David Cameron a condamnés.
Samedi, des tracts anonymes ont été distribués à Huntingdon, dans le centre de l'Angleterre : "Quittez l'UE, plus de vermine polonaise". Un tag raciste a lui été découvert sur un centre culturel polonais d'Hammersmith, quartier de l'ouest de Londres où réside une forte communauté polonaise.
La tourmente politique qui secoue le Royaume-Uni est encore aggravée par le retour de la menace d'une sécession de l'Ecosse, où le vote en faveur d'un maintien dans l'UE a réuni 62% des suffrages.
Dès dimanche, la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon a jugé "très probable" un nouveau référendum sur l'indépendance après celui de 2014, où le "non" l'avait emporté.
Mais le gouvernement britannique a déclaré lundi qu'un nouveau référendum est la "dernière chose dont a besoin l'Ecosse".
Du côté des partis politiques, le leader travailliste Jeremy Corbyn, accusé en interne de ne pas avoir assez milité pour un maintien dans l'UE, a annoncé qu'il ne démissionnerait pas, même si plus de la moitié de son cabinet fantôme a déjà déserté en signe de protestation.
Comme pour montrer qu'il comptait bien s'accrocher à son poste, il a publié lundi soir sur Twitter une liste des nouveaux membres de son cabinet fantôme.