Le gouvernement a annoncé lundi qu'il allait mettre à contribution la filière pétrolière à hauteur de 115 millions d'euros pour financer une revalorisation du barème kilométrique des contribuables, alors même que le prix de l'essence à la pompe atteignait de nouveaux records.
"Les acteurs de la filière pétrole ont accepté de contribuer à la réduction de la facture pétrolière des Français", a déclaré la ministre de l'Economie Christine Lagarde, à l'issue d'une réunion tenue à Bercy avec les professionnels du secteur et à laquelle participaient le secrétaire d'Etat au Commerce Frédéric Lefebvre et le ministre de l'Industrie et de l'Energie Eric Besson.
Avec un baril de brut qui atteint aujourd'hui 120 à 125 dollars, la "facture énergétique atteint un niveau qui est très pénalisant", a observé la ministre de l'Economie. Elle a rappelé que le pétrole représentait 45% de la consommation énergétique finale de la France et 8% des dépenses des ménages.
Le super sans plomb 95 a dépassé 1,53 euro/litre en moyenne, atteignant un plus haut historique, selon les relevés publiés par la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) du ministère de l'Ecologie et des Transports.
Les acteurs de l'industrie pétrolière - producteurs, raffineurs, distributeurs - sont donc appelés à verser une contribution spéciale, via une taxation exceptionnelle prélevée sur leurs "provisions pour hausses de prix".
"Ils mettent tous la main à la poche. Les producteurs, et notamment Total, beaucoup plus que les autres", a relevé Mme Lagarde. Concrètement, les producteurs-raffineurs contribueront pour 60% et les distributeurs pour 40%.
Total "participera à cette taxe dans un effort de solidarité", a déclaré une porte-parole du groupe pétrolier. La hausse des carburants "est mondiale et chacun la subit", a-t-elle ajouté.
Les 115 millions d'euros prévus permettront de financer une mesure d'allègement fiscal pour les contribuables utilisant beaucoup la voiture dans leur travail qui bénéficieront d'une revalorisation de 4,6% du barème forfaitaire kilométrique.
La revalorisation de ce barème sur les revenus 2010 avait été annoncée le 5 avril par les services du Premier ministre.
La mesure devrait bénéficier à plus de six millions de contribuables qui déclarent leurs dépenses de carburants sous la forme des "frais réels". Sont concernés cinq millions de salariés, 500.000 membres des professions libérales et 600.000 artisans, selon les estimations de M. Lefebvre.
Pour Mme Lagarde, la hausse actuelle des produits pétroliers "ne résulte pas seulement des fondamentaux du marché", soutenus par des tensions comme en Libye. Elle a aussi mis en cause "un certain nombre de mouvements à caractère spéculatif (...) en particulier sur des produits dérivés".
Mais la ministre de l'Economie a souligné qu'il n'y avait pas eu d'augmentation abusive des marges du secteur et que les stations-service respectaient bien les règles d'affichage des prix.
Le président de l'Union française des industries pétrolières (Ufip), Jean-Louis Schilansky, a jugé que la contribution prévue constituait "une vraie ponction sur le raffinage et la distribution française". "Cette taxe exceptionnelle viendra s'ajouter à leurs charges", a-t-il dénoncé.
Du côté des associations de consommateurs, l'UFC-Que Choisir juge que la mesure d'allègement fiscal est "une goutte d'eau dans un océan d'attente", et ne concerne qu'un public "assez restreint".
"Il faut mettre en place des mesures de long terme pour réduire la dépendance au pétrole", comme les transports collectifs et les énergies alternatives, a jugé Caroline Keller, chargée de mission énergie dans cette association.
Cela suppose "des investissements massifs", financés par "une taxe beaucoup plus conséquente que ce qui a été décidé", notamment "sur les profits de Total", estime-t-elle.