Les prix du cacao ont atteint des niveaux inégalés depuis le printemps 2011 en raison de craintes que l'épidémie d'Ebola n'atteigne les deux plus gros producteurs de fèves brunes de la planète, la Côte d'Ivoire et le Ghana, pays proches de la zone contaminée.
Ces deux dernières semaines, les cours de la fève brune ont bondi d'environ 10%, pour atteindre jeudi des niveaux inconnus depuis trois ans et demi (à 2.187 livres sterling la tonne à Londres et à 3.399 dollars la tonne à New York).
Le virus "Ebola continue de se propager et, alors qu'il s'approche de la plus grande région de production mondiale de cacao, les inquiétudes sur des perturbations de l'offre ont augmenté", explique à l'AFP Ole Hansen, spécialiste des matières premières chez Saxo Bank.
En effet, l'Afrique de l'Ouest compte les plus grands fournisseurs mondiaux de la fève brune utilisée pour fabriquer du chocolat, soit la Côte d'Ivoire et le Ghana, respectivement numéros un et deux mondiaux (60% de l'offre à eux deux).
D'autres pays de la région produisent aussi du cacao si bien que cette région pèse près de 72% de la production mondiale.
Or la fièvre hémorragique Ebola, hautement contagieuse et qui a fait près de 3.000 morts sur un peu plus de 6.000 cas, touche tout particulièrement la Guinée et le Liberia, deux pays frontaliers de la Côte d'Ivoire.
"Octobre est un mois critique pour le marché du cacao puisque c'est le début de la récolte. Toute perturbation dans le transport ou tout manque de main d'oeuvre dans les deux plus grands producteurs mondiaux pourraient faire significativement grimper les prix", prévient M. Hansen.
"Beaucoup de travailleurs qui récoltent le cacao migrent depuis les pays affectés donc l'offre pourrait être perturbée si ces travailleurs migrants ne sont pas là", ajoute Thomas Pugh, économiste au cabinet londonien Capital Economics.
- Vers un doublement des prix ? -
Pour l'instant, la Côte d'Ivoire n'est pas affectée par l'épidémie et elle a fermé ses frontières avec la Guinée et le Liberia.
Mais si elle venait à être touchée, ce serait un "scénario catastrophe", estime Edward George, directeur de la recherche sur les matières premières chez Ecobank.
"Le secteur est très fragmenté, on parle de centaines de milliers de fermiers avec des parcelles de 1,5 à 2 hectares", explique cet expert à l'AFP.
De même, "les achats sont morcelés, ce sont des individus sur des motos, dans des voitures ou des camions qui achètent le cacao (auprès des producteurs). Donc s'il y avait un déclenchement de l'épidémie dans cette zone, il faudrait suspendre tous les achats", ajoute-t-il.
Le virus se transmettant par contact direct avec le sang, les liquides biologiques ou les tissus de personnes ou d'animaux infectés, la récolte tout comme le transport des fèves vers les ports seraient fortement entravés si la Côte d'Ivoire était affectée.
"La Côte d'Ivoire réagirait sans aucun doute au moindre déclenchement de l'épidémie en imposant des couvre-feux et des quarantaines, ce qui perturberait le transport des fèves de cacao des régions rurales vers les ports", acquiescent les experts de Commerzbank.
"Imaginez la suppression de 60% de l'offre mondiale de cacao au début de la saison ! On pourrait voir une augmentation spectaculaire des prix !", s'exclame M. George.
Face à ces craintes, les tarifs intègrent déjà une prime de risque, d'où leur hausse récente.
"Les cours pourraient revisiter le record de 2011 (3.826 dollars la tonne, ndlr) quand la guerre civile en Côte d'Ivoire a causé de réelles perturbations de l'offre", estime M. Hansen.
Pour M. Pugh, de Capital Economics, les prix pourraient même doubler.
L'OMS a averti que l'épidémie était en croissance "explosive" et pourrait, en l'absence d'un renforcement significatif des moyens mis en oeuvre, contaminer 20.000 personnes d'ici à novembre.