par George Georgiopoulos et Lefteris Papadimas
ATHENES/BRUXELLES (Reuters) - La Grèce et ses créanciers internationaux mettaient lundi la dernière touche à un projet d'accord sur un troisième plan d'aide dont Athènes a besoin pour maintenir ses finances publiques à flot et honorer une importante échéance auprès de la Banque centrale européenne (BCE) le 20 août.
Des ministres grecs et des représentants des institutions européennes et du Fonds monétaire international ont repris leurs discussions lundi matin après une séance marathon qui a duré jusqu'en fin de nuit dimanche.
L'accord sur le plan de sauvetage de 86 milliards d'euros doit être bouclé d'ici le 20 août pour permettre à Athènes de rembourser son prêt à la BCE.
"Depuis minuit les deux parties sont entrées dans la dernière ligne droite, relisant le texte final, phrase par phrase, mot par mot", a affirmé un responsable du ministère grec des Finances.
Toujours de source grecque, on indique que les deux parties se sont entendues sur un objectif d'excédent budgétaire primaire, c'est-à-dire hors service de la dette, de zéro pour cette année, dans l'hypothèse d'une contraction du PIB comprise entre 2,1 et 2,3% du produit intérieur brut grec.
"Sauf changement de dernière minute avant la conclusion de l'accord, l'excédent budgétaire primaire pour cette année sera de zéro et l'estimation pour la récession est entre 2,1 et 2,3%", a dit un responsable gouvernemental.
Auparavant, des responsables grecs avaient dit espérer conclure un accord d'ici mardi matin au plus tard.
Plus prudente, la Commission européenne a préféré parler d'un accord "faisable" ce mois-ci.
"Un accord est faisable. Un accord peut être conclu dans le mois d'août, de préférence avant le 20 août", a dit la porte-parole de la Commission européenne Annika Breidhardt à Bruxelles.
"La Commission, avec les équipes du FMI et de la BCE, a travaillé tout au long du week-end pour finaliser le texte d'un protocole d'accord et d'une liste additionnelle d'actions préalables sur lesquelles les autorités grecques pourraient légiférer rapidement."
Selon une enquête menée par Reuters auprès d'intervenants de marché, une majorité d'entre eux pense qu'un accord sera conclu dès cette semaine.
Le porte-parole du gouvernement allemand Steffen Seibert a appelé de ses voeux la conclusion d'un protocole tout en notant qu'un accord de fond était plus important qu'un accord rapide.
Reprenant à son compte cet argument, le porte-parole du ministère des Finances allemand Jürg Weissgerber a estimé que des conditions strictes devaient être attachées à toute nouvelle aide.
"Il nous paraît sensé (...) de définir le montant de la première tranche en fonction de l'avancée dans le mise en oeuvre de mesures de réformes. Cela veut dire une stricte conditionnalité de l'aide financière", a-t-il dit lors d'un point presse.
"REMARQUABLE COOPÉRATION"
Une source au ministère grec des Finances a déclaré à Reuters qu'une réunion des ministres des Finances de la zone euro pourrait se tenir vendredi prochain 14 août pour valider le produit des négociations.
Un accord dans cet intervalle permettrait le versement d'une première tranche le 20 août, à temps pour que la Grèce rembourse son prêt à la BCE.
"Lorsque le nouveau plan de renflouement sera soumis au vote au Parlement, il s'agira d'un projet de loi avec deux articles: le premier portera sur l'accord de crédit et le protocole d'accord, le second sur les 'actions préalables'", a précisé ce
responsable grec en faisant allusion aux mesures que le gouvernement sera tenu de mettre en oeuvre pour que le plan d'aide puisse prendre effet.
Selon la presse grecque, ces mesures seraient principalement fiscales et comprendraient par exemple la suppression de crédits d'impôts dont bénéficient les agriculteurs utilisant du carburant subventionné ou un encadrement plus strict des arriérés d'impôts dus à l'Etat.
Les négociations avaient débuté le 20 juillet, une semaine après la conclusion d'un précédent accord évitant à Athènes un défaut de paiement et une sortie forcée de la zone euro.
Après des débuts acrimonieux, les discussions sont maintenant caractérisées par une "remarquable coopération" de la partie grecque, a dit un haut responsable de l'UE.
Il a toutefois déclaré que certains pays membres tiquaient sur le montant total du programme, jugeant trop élevé le plafond de 86 milliards d'euros fixé lors du sommet de la zone euro des 12-13 juillet.
Le montant de la première tranche, qui pourrait être d'au moins 20 milliards d'euros, est également une source d'inquiétude pour certains créanciers.
LE SECTEUR BANCAIRE POURRAIT ÊTRE AIDÉ RAPIDEMENT
La Grèce a besoin de 10 milliards d'euros pour la recapitalisation de ses banques, de 7 milliards d'euros pour rembourser un prêt-relais accordé en juillet, et de plus de 3 milliards pour rembourser la BCE le 20 août.
Du côté grec, on s'inquiète du montant des créances douteuses des banques, qui alourdira certainement leur recapitalisation.
Les crédits non performants représentaient environ 35% des portefeuilles de prêts des banques grecques au premier trimestre 2015, et leur proportion a vraisemblablement augmenté avec l'instauration d'un contrôle des capitaux à la fin juin.
Athènes souhaite la création d'une structure de défaisance ("bad bank") pour loger ces prêts.
Sous couvert d'anonymat, un responsable de la zone euro a déclaré que les banques grecques pourraient recevoir une première tranche de capitaux frais, de l'ordre de 10 milliards d'euros, dès la conclusion d'un accord entre Athènes et ses créanciers sur un troisième plan d'aide, soit avant que la Banque centrale européenne (BCE) ne mène à bien, d'ici octobre, ses tests de résistance des établissements.
Portée par le rebond de son compartiment bancaire (+8,33%), la Bourse d'Athènes a gagné 2,06%, enchaînant sa troisième séance de hausse d'affilée après avoir chuté pendant les trois jours suivant sa réouverture lundi dernier.
Sur cette période de six jours, la place boursière grecque, restée fermée pendant cinq semaines dans le cadre de mesures de contrôles des capitaux prises par le gouvernement, accuse encore un repli de 13,4%, le recul étant de 16,5% depuis le début de l'année.
Soutenu par la perspective de l'imminence d'un accord, le rendement des obligations souveraines grecques à 10 ans a reculé de 66 points de base pour revenir à 11,23%.
(Henri-Pierre André, Jean-Stéphane Brosse et Véronique Tison pour le service français, édité par Benoît Van Overstraeten)