par Jean-Baptiste Vey
PARIS (Reuters) - A l'approche de la borne symbolique des 100 jours, Emmanuel Macron a mis en branle trois réformes législatives et les premières coupes budgétaires de son quinquennat, au prix d'une chute de sa popularité avant une rentrée sociale sous tension.
Le plus jeune président de la Ve République a multiplié les contacts, recevant les principaux dirigeants européens pour travailler sur la réforme de l'Union et de la zone euro, ainsi que les présidents russe et américain, Vladimir Poutine et Donald Trump, pour chercher une issue à la guerre en Syrie.
Pour l'exécutif et sa majorité, le rodage a été douloureux.
Elu après une campagne bouleversée par les "affaires" Fillon, Emmanuel Macron a perdu rapidement quatre membres de son premier gouvernement, inquiétés par des enquêtes judiciaires.
Richard Ferrand, un de ses lieutenants, est parti diriger le groupe La République en marche (LREM) à l'Assemblée, tandis que François Bayrou, dont le soutien a dopé sa candidature, et ses alliés Sylvie Goulard et Marielle de Sarnez ont quitté le devant de la scène politique.
Le nouveau gouvernement n'est pas épargné par les soupçons, avec l'information judiciaire ouverte sur une soirée organisée en 2016, en présence du ministre de l'Economie d'alors, Emmanuel Macron, par Business France, dirigé à l'époque par l'actuelle ministre du Travail, Muriel Pénicaud.
Composée de nombreux députés LREM novices en politique, la majorité a quant à elle découvert les pièges du travail parlementaire et les âpres échanges avec l'opposition, connaissant au passage "quelques incidents", selon les termes du porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner.
"On apprend de ses erreurs, on corrige, c'est un processus continu. Bien sûr qu'on va s'améliorer", expliquait le Premier ministre, Edouard Philippe, dans un entretien il y a quelques jours au Parisien. "On peut toujours s'améliorer. C'est vrai pour le Parlement, pour le gouvernement... et pour moi."
RÉFORMES À RISQUE ET DIFFICILES ÉCONOMIES
Le président, le Premier ministre et le gouvernement ont longuement discuté avec les syndicats de la réforme du droit du travail, la plus sensible de ce début de mandat, pour tenter d'éviter une répétition du mouvement contre la loi qui a perturbé le précédent quinquennat.
La CGT et Solidaires appellent d'ores et déjà à des manifestations le 12 septembre et La France insoumise à la mobilisation le 23. Les autres syndicats attendent de connaître le contenu précis des futures ordonnances, le 31 août.
Après cette réforme, qui doit donner plus de souplesse aux employeurs et déplacer la négociation au plus près de l'entreprise pour qu'elle s'adapte plus facilement à la conjoncture, l'exécutif veut réformer l'assurance chômage et le système de retraites, deux autres projets à risque.
La session extraordinaire du Parlement a également permis de boucler deux lois de moralisation de la vie politique et de faire avancer le projet de loi sur la sécurité, adopté en juillet au Sénat et qui sera examiné à l'Assemblée après la pause estivale.
"Quasiment tous les sujets qui relèvent du projet présidentiel ont été ouverts", a dit Christophe Castaner mercredi, citant le climat, l'alimentation, l'éducation et la santé.
Avant même les mesures d'économies qui doivent financer les promesses de baisse des prélèvements l'an prochain et seront discutées à partir du mois de septembre, les choix budgétaires du président ont braqué une partie de l'opinion.
Arguant du risque pesant sur l'objectif de ramener le déficit public sous la limite européenne de 3% du produit intérieur brut cette année, le gouvernement a décidé 4,5 milliards d'euros d'économies immédiates supplémentaires.
CRISE DES AIDES AU LOGEMENT
La coupe imposée au ministère des Armées, mis sous tension par les opérations extérieures et le dispositif Sentinelle de protection du territoire, a provoqué une crise débouchant sur la démission du chef d'état major des armées, Pierre de Villiers.
L'annonce surprise d'une baisse de 5 euros par mois des allocations logement a elle aussi été très critiquée, certains accusant l'exécutif de prendre aux pauvres pour offrir aux plus riches la forte baisse annoncée de l'impôt sur la fortune (ISF).
La mise en oeuvre des promesses fiscales d'Emmanuel Macron est compliquée par sa volonté de sortir la France de la procédure européenne de déficit excessif, ce qui impose de réduire durablement les déficits à moins de 3% du PIB.
Le président juge qu'il s'agit d'une condition indispensable pour restaurer la crédibilité de la France et faire avancer ses projets européens.
Au coeur de ses ambitions, le renforcement de la relation avec l'Allemagne, traduit par une série de décisions, en particulier dans le domaine de la Défense, lors d'un conseil des ministres commun.
Paris et Berlin devraient présenter leurs propositions pour la réforme de la zone euro à la fin de l'année, soit après les élections législatives allemandes de septembre que la chancelière Angela Merkel semble en passe de gagner.
L'exécutif s'accorde une pause à partir de ce mercredi jusqu'à un séminaire gouvernemental le lundi 28 août. Emmanuel Macron passera ses vacances en France, le lieu n'étant pas précisé pour des raisons de sécurité, a dit Christophe Castaner.
La borne des 100 jours depuis son élection à la présidence de la République sera passée la semaine prochaine.
(Edité par Yves Clarisse)