par Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) - Déminer le terrain sur la délicate question de l'accueil des migrants en France: c'est la mission du ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, qui participe ce mardi soir à une réunion du groupe La République en marche (LaRem) à l'Assemblée nationale.
Premier chantier législatif menaçant de diviser la majorité, où s'expriment des inquiétudes, le projet de loi asile et immigration devrait être présenté le mois prochain en conseil des ministres, arriver à l'Assemblée en mars en vue d'un vote en juin, a-t-on précisé de source parlementaire.
Les députés LaRem Marie Guévenoux et Florian Boudié sont pressentis pour porter ce texte, dont certaines dispositions sont contestées avant même leur inscription noir sur blanc.
"La réunion de ce soir, c'est pour crever les abcès, parler sans tabou afin que chacun reparte avec une vision claire, sachant que le texte n'est pas encore là, dans un contexte de forte pression médiatique", explique une source au sein du groupe LaRem au Parlement.
Prévue pour durer deux heures, la rencontre avec Gérard Collomb a été demandée par le président du groupe majoritaire au Palais-Bourbon, Richard Ferrand.
Pour l'opposition de gauche toutefois, ce débat interne ne saurait à lui seul répondre au malaise de la majorité.
"Il ne s'agit pas d'une réunion pour faire évoluer la loi mais plutôt pour faire rentrer les députés dans le rang et trouver les éléments de langage qui permettront de rendre les choses plus assumables", a considéré mardi devant la presse la députée communiste Elsa Faucillon.
Aux yeux de l'élue, la politique du gouvernement en la matière, "c'est l'humanité dans les tweets et la fermeté dans les actes".
Premier groupe d'opposition à l'Assemblée, Les Républicains attendent pour leur part d'en savoir plus pour prendre position. "On a des déclarations d'intention, on attend sereinement d'avoir un texte sur le sujet", a déclaré aux journalistes leur président, Christian Jacob.
VALLS DÉFEND UNE LIGNE FERME
Syndicats, associations, élus de gauche n'ont pas attendu la présentation du projet de loi pour dénoncer les intentions de l'exécutif en condamnant notamment une circulaire introduisant des contrôles dans les centres d'hébergement.
Les députés LaRem ont reproché au gouvernement de ne pas avoir été prévenus et le Défenseur des droits a demandé le retrait de la circulaire.
Le débat porte désormais sur le contenu du projet de loi, qui prévoit notamment la réduction des délais sur les demandes d'asile et l'allongement de la rétention administrative pour les étrangers en situation irrégulière.
Accusé par ses détracteurs d'organiser une forme de répression, Gérard Collomb "a mis de l'eau dans son vin" et fait oeuvre de pédagogie "en multipliant les déjeuners, dîners, réunions, y compris dans les circonscriptions", dit une source parlementaire.
"Le débat va forcément être passionné dans l'hémicycle et dans l'opinion. Mais il finira par être voté, comme la loi sur la sécurité", ajoute-t-on de même source.
Hasard du calendrier ou volonté de rassurer, un délégué interministériel chargé de l'accueil et de l'intégration des réfugiés a été institué par un décret au Journal officiel publié mardi. Son nom devait être divulgué mercredi à l'issue du Conseil des ministres.
Le sujet a occupé une grande partie des débats du séminaire de rentrée des députés LaRem, la semaine dernière. "D'humanité, ce texte en est rempli, si je puis dire, puisqu'il s'agit précisément de mieux accueillir celles et ceux qui sont fondés à être sur notre territoire. Donc tout le monde a plaidé pour la cohérence du texte", expliquait alors Richard Ferrand.
S'il se dit favorable au débat, le "patron" des députés LaRem ne veut "ni clique ni clan" et exige un vote unanime au final.
Au sein du groupe, l'inquiétude sur le sort des migrants s'est notamment exprimée avant les fêtes par la voix de la députée Sonia Krimi.
L'ancien Premier ministre Manuel Valls, apparenté LaRem depuis son départ du Parti socialiste, défend pour sa part une ligne très ferme.
"Nous n'avons pas besoin d'une nouvelle immigration", a-t-il dit dimanche sur franceinfo. Opposé à des "quotas ethniques", le député de l'Essonne s'est dit en revanche ouvert à un tri en fonction des "compétences" des candidats à l'immigration.
(Edité par Yves Clarisse)