par Balazs Koranyi et Francesco Canepa
FRANCFORT (Reuters) - La Banque centrale européenne (BCE) a relevé jeudi ses taux d'intérêt de 50 points de base, comme elle s'y était engagée, donnant la priorité à la lutte contre l'inflation malgré les inquiétudes concernant la stabilité du système bancaire mondial qui ont bouleversé les marchés financiers.
Depuis juillet 2022, la BCE a relevé ses taux à un rythme inédit mais les remous sur les marchés mondiaux depuis une semaine, déclenchés par la faillité de la banque américaine Silicon Valley Bank (SVB), ont failli contrecarrer la stratégie de l'institution dans son resserrement monétaire.
Conformément à ce qu'elle avait indiqué en février, la BCE a porté son taux de dépôt à 3,0%, son niveau le plus élevé depuis fin 2008.
"L'inflation devrait rester trop forte pendant une trop longue période", a déclaré la présidente de la banque centrale Christine Lagarde lors d'une conférence de presse, en reprenant les mots du communiqué.
"Le Conseil des gouverneurs surveille attentivement les tensions actuelles sur les marchés et se tient prêt à prendre les mesures nécessaires pour préserver la stabilité des prix et du système financier dans la zone euro", a-t-elle poursuivi, ajoutant que le secteur bancaire disposait de solides positions de capital et de liquidité.
Aucun engagement n'a été pris sur d'éventuelle autre hausse de taux, malgré les déclarations d'une longue liste de responsables pour des mesures plus importantes dans la lutte contre la hausse des prix.
Christine Lagarde a souligné qu'il était actuellement impossible de déterminer la trajectoire future des taux d'intérêt dans un contexte d'incertitude élevée.
Les actions des banques européennes ont décroché cette semaine, sous la pression premièrement de l'effondrement de SVB puis des déboires de Credit Suisse, dans la liste des banques dites d'importance systémique.
La banque helvétique en difficulté, après avoir vu son cours boursier dévisser, rebondit de 17,8% à Zurich grâce à l'intervention de la banque centrale suisse auprès de qui elle va emprunter jusqu'à 50 milliards de francs suisses (50,7 milliards d'euros).
Le principal souci de la BCE est que la politique monétaire opère par l'intermédiaire du système bancaire, de sorte qu'une crise financière de grande ampleur rendrait son action inefficace.
La BCE s'est donc retrouvée face à un dilemme: tenter de maîtriser l'inflation ou la nécessité de maintenir la stabilité financière.
Mais Christine Lagarde a fait remarquer qu'il n'y avait pas de compromis entre ces deux missions et que le secteur bancaire dans son ensemble était dans une "position beaucoup, beaucoup plus forte" qu'au moment de la crise financière de 2008.
Le vice-président de la banque centrale, Luis de Guindos, a ajouté que l'exposition de la zone euro à Credit Suisse était "assez limitée".
L'inflation est bien plus élevée que lors des crises précédentes et les nouvelles prévisions de la BCE montrent que la croissance des prix pourrait rester au-dessus de son objectif de 2% jusqu'en 2025.
Des signes montrant que le resserrement monétaire a un impact sur l'économie commencent à apparaître, a souligné Christine Lagarde.
Alors que les crises bancaires systémiques se transforment généralement en graves récessions, le système financier ne s'est jamais aussi bien porté depuis des années, avec des capitaux, des liquidités et des bénéfices à des niveaux satisfaisants.
Certains économistes ont également fait valoir que la BCE disposait de nombreux instruments pour lutter contre les tensions sur les marchés et qu'elle n'avait donc pas eu besoin de sacrifier sa hausse de taux prévue pour préserver la solidité des actifs financiers.
Ce point de vue s'est retrouvé dans le communiqué de l'institution, qui a dit posséder "une panoplie complète d'instruments de politique monétaire lui permettant de soutenir, le cas échéant, la liquidité du système financier de la zone euro et de préserver la transmission harmonieuse de la politique monétaire".
En Bourse, l'indice Stoxx des banques a gagné du terrain après les annonces de la BCE et prenait 1% vers 15h20 GMT.
Sur le marché obligataire, le rendement des obligations d'Etat allemandes à dix ans, référence pour l'ensemble de la zone euro, évoluait à plus de 2,2%.
L'euro gagnait 0,24% à 1,06 dollar, proche de son niveau avant les annonces du Conseil des gouverneurs.
(Reportage Balazs Koranyi et Francesco Canepa, version française Laetitia Volga, édité par Blandine Hénault)