par Casey Hall
SHANGHAI (Reuters) - Les conditions économiques difficiles pourraient limiter la consommation de vin en Chine en 2024, alors que le pays avait été le principal contributeur au développement des marchés mondiaux depuis 20 ans, selon des observateurs.
La hausse de la consommation de vin tenait à la croissance de la classe moyenne chinoise, dont la soif semble avoir été étanchée depuis le Covid.
"L'intérêt des consommateurs pour le marché s'est beaucoup replié et il n'y a pas d'indicateurs pouvant faire espérer un retournement", explique Kym Anderson, directeur du Centre de recherche sur l'économie du vin, à l'université d'Adelaïde.
La consommation de vin en Chine en 2023, production domestique et imports inclus, n'atteignait qu'un quart de son pic atteint en 2017. Les importations ont diminué de plus de 60% sur la période, ajoute l'expert.
Le marché chinois de l'alcool est le plus grand du monde et est estimé à 336 milliards de dollars (310 milliards d'euros), mais l'érosion de la confiance des consommateurs durant la pandémie a pesé sur les exportations de boissons étrangères en Chine.
Simultanément, la compétition s'est accrue sur le marché, de nombreuses boissons alcoolisées faisant désormais concurrence au vin, explique Judy Chan, directrice générale du domaine Grace Wineyards.
"Il y a davantage de cocktails, de bières artisanales, le choix est beaucoup plus vaste pour le consommateur", remarque-t-elle.
"Le vin a ce halo (…) de sophistication. Le problème, c'est qu'il a perdu ce halo", ajoute la dirigeante, qui a commencé à produire du gin pour diversifier son offre.
Yan Yu, qui utilise WeChat pour vendre du vin directement à ses clients, constate pour sa part que les consommateurs sont devenus plus sensibles aux prix depuis le Covid, favorisant des bouteilles aux prix inférieurs à 200 yuans (26 euros).
"L'environnement est compliqué. J'essaie de trouver des gens qui n'ont jamais essayé le vin, et qui sont curieux, c'est comme cela que je développe mon affaire", explique Yan Yu.
HAUT DE GAMME
Le marché pour des vins haut de gamme de bonne qualité demeure néanmoins important, selon Judy Chan.
"Penfold's aura du succès à mon avis. Les gens sont prêts à payer pour des marques reconnues", estime-t-elle, faisant référence à une marque célèbre de vin australien produit par Treasury Wine Estates.
TWE en pense autant, le groupe ayant continué à investir et produire des vins en Chine, malgré des sanctions imposées aux vins australiens qui ont fait s'effondrer ses exportations vers le pays.
La levée des restrictions imposées aux vins australiens intensifiera encore la compétition. La France, le Chili et l'Italie ont comblé le vide après l'imposition des taxes chinoises, et représentaient respectivement 48,24%, 19,31% et 10,1% d'un marché de l'export estimé à 1,6 milliard de dollars en 2023.
Le marché chinois peut néanmoins encore croître, Judy Chan tablant sur une stabilisation de la demande.
Kym Anderson souligne que la consommation annuelle pour un adulte est inférieure à un demi-litre, et que le vin ne représente que 1,5% de la consommation d'alcool en Chine actuellement.
Pour autant, l'évolution de la demande en vin est "surprenante", selon l'expert. "Au vu de la croissance des revenus et d'exemples historiques, nous nous attendions à voir la forte croissance de la demande en vin se poursuivre en Chine", conclut-il.
(Reportage Casey Hall, version française Corentin Chappron, édité par)