BRUXELLES (Reuters) - La Commission européenne a approuvé jeudi la prolongation pour dix ans de l'utilisation du glyphosate, substance active et controversée du désherbant Roundup de Bayer (ETR:BAYGN), après que les Etats membres de l'Union européenne (UE) ont échoué à donner une position claire sur le sujet.
"La Commission (...) en collaboration avec les Etats membres de l'UE va maintenant procéder au renouvellement de l'approbation du glyphosate pour une période de 10 ans", a déclaré l'exécutif européen dans un communiqué.
Plus tôt, les 27 Etats membres avaient échoué une deuxième fois en un mois à trouver un consensus sur l'utilisation du glyphosate, laissant à la Commission européenne le soin de trancher.
Une "majorité qualifiée" de 15 pays représentant au moins 65% de la population de l'UE était requise pour soutenir ou bloquer la proposition.
Lors de la dernière approbation de licence par l'UE du glyphosate, le bloc européen avait accordé une prolongation de cinq ans qui doit expirer le 15 décembre. Les pays de l'UE avaient refusé auparavant à deux reprises de soutenir une période de dix ans.
Comme lors du vote du mois dernier, la France s'est de nouveau abstenue, suscitant les critiques de plusieurs ONG et associations.
"Une fois de plus, la Commission européenne préfère se ranger du côté des lobbys de l’agrochimie plutôt que de suivre les avis scientifiques, d’appliquer le principe de précaution et d’assumer l’interdiction de ce pesticide", écrit Greenpeace dans un communiqué.
"L’abstention de la France à ce vote et son manque de courage ne sont pas acceptables".
"TRAHISON"
Dans un communiqué conjoint, les ONG Foodwatch et Générations Futures ont elles aussi critiqué l'abstention de la France et dénoncé une "trahison, sans surprise, de la promesse faite par le président de la République en 2017".
Le chef de l'Etat Emmanuel Macron avait déclaré fin 2017 que l’utilisation du glyphosate serait interdite en France au plus tard dans les trois ans, avant d’admettre qu’une interdiction totale était "impossible".
"La France n’est pas contre le principe du renouvellement de la molécule, mais veut réduire rapidement son usage et encadrer l’utilisation de la molécule, pour en limiter les impacts, et le remplacer par d’autres solutions chaque fois que c’est possible", a expliqué jeudi le ministère de l'Agriculture.
La Confédération paysanne a critiqué dans un communiqué une "décision scandaleuse" faite "sur le dos des paysans".
"Réautoriser le glyphosate est une erreur monumentale. C’est ignorer la réalité qui veut que les paysans sont les premières victimes des pesticides, béquilles chimiques et économiques", écrit le syndicat.
L'agence de recherche sur le cancer de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a conclu en 2015 que le glyphosate était probablement cancérigène pour l'homme, mais d'autres agences dans le monde, y compris l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA) et l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), ont classé le glyphosate comme non cancérigène.
Foodwatch et Générations Futures estiment que la décision de la Commission européen "va à nouveau à l'encontre du principe de précaution alors que les preuves de la dangerosité du glyphosate pour l'homme et pour l'environnement continuent de s'accumuler".
"Les organisations de la société civile n'excluent pas un recours en justice au niveau européen", ajoutent-elles.
(Philip Blenkinsop, avec Sybille La Hamaide et Gus Trompiz, version française par Zhifan Liu, édité par Kate Entringer et Blandine Hénault)