MOSCOU (Reuters) - A court d'options pour combler le trou creusé dans son budget par la chute des cours du pétrole, la Russie envisage désormais des mesures qui auraient été jugées impensables il y a quelques mois encore.
Deux sources financières haut placées confient que les autorités concernées discutent actuellement de la possibilité d'influencer l'évolution du rouble face au dollar dans le but de doper les recettes fiscales.
Une telle stratégie n'irait pas jusqu'à l'annonce publique d'un objectif de taux de change et la banque centrale russe - indépendante - a réaffirmé que la valeur du rouble était fixée par le marché.
Mais l'institution n'a pas forcément besoin, pour influencer l'évolution du taux de change rouble/dollar dans un sens favorable au budget, de renouer avec une politique d'objectif de parité, a expliqué l'une des sources. En effet, le rythme et le montant de ses opérations sur le marché des changes peuvent affecter la vigueur du rouble.
Le déficit budgétaire russe pourrait se creuser de 2.500 milliards de roubles (28,7 milliards d'euros) cette année si le prix du baril de pétrole reste proche de 30 dollars, ce qui compromettrait l'objectif affiché d'un déficit limité à 3% du produit intérieur brut (PIB).
Le gouvernement a déjà évoqué la possibilité de puiser dans les caisses du Fonds de réserve souverain, de relever la fiscalité des carburants, de vendre des actifs publics ou d'augmenter les dividendes des entreprises publiques pour alimenter les caisses de l'Etat.
Une porte-parole du ministère des Finances n'a pas répondu à des demandes de commentaires mais une source au sein du ministère a estimé qu'une variation d'un rouble du taux de change rouble/dollar se traduisait par un impact de 35 à 40 milliards de roubles pour le budget.
PRIVATISATIONS ET DIVIDENDES
Pour influencer le niveau du rouble, la banque centrale pourrait accélérer le rythme auquel elle reconstitue ses réserves de change, puisque cela revient à vendre du rouble sur le marché.
L'an dernier, la banque centrale a dit qu'elle continuerait d'augmenter ses réserves d'or et de devises étrangères, avec pour objectif un niveau "confortable" de 500 milliards de dollars (445 milliards d'euros) contre 371,3 milliards aujourd'hui. Cet objectif n'a depuis pas été abandonné, a dit une source.
Un affaiblissement du rouble face au billet vert aurait pour effet d'augmenter les recettes pétrolières en roubles, puisque le pétrole vendu à l'étranger est facturé en dollar. Mais il aurait aussi des effets néfastes, en favorisant l'inflation et en renchérissant certains postes de dépenses publiques.
"Je crois que la monnaie ne doit pas être sérieusement considérée comme un outil de résolution des problèmes. Elle peut être considérée uniquement comme une sorte de facteur de rééquilibrage", estime ainsi Dmitri Polevoï, chef économiste de la banque ING (AS:ING) à Moscou.
Parmi les autres mesures envisageables et moins risquées, les privatisations devraient rapporter jusqu'à 800 milliards de roubles à l'Etat cette année selon l'objectif du gouvernement, mais elles risquent de devoir être effectuées à des prix déprimés. Quant à la hausse des dividendes des entreprises publiques, elle a aussi son revers en privant ces sociétés de moyens d'investir.
L'économie russe s'est contractée de 3,7% en 2015 et le PIB pourrait encore diminuer de 1% cette année.
(Margarita Paptchenkova, Darïa Korsounskaïa et Elena Fabritchnaïa, Marc Angrand pour le service français)