Les pêcheurs du petit village écossais de Pittenweem comptaient bien reprendre le contrôle de leurs eaux poissonneuses grâce au Brexit, mais les divisions politiques qui agitent le gouvernement et le Parlement, à Londres, commencent à les faire douter que ce sera un jour possible.
"Le Brexit... comment on décrit ça? C'est désormais l'inconnu", déplore Richard Scott, capitaine d'un bateau de pêche, en comparant les querelles des députés britanniques à des chamailleries d'écoliers.
"Tous ces va-et-vient commencent à être vraiment fatigants", poursuit-il. "Ils devraient prendre une décision. Si on s'en va, on s'en va", ajoute-t-il à l'adresse des décideurs britanniques, très divisés sur les orientations à donner au Brexit, et menaçant de faire capoter l'accord conclu avec Bruxelles par la Première ministre Theresa May.
À l'inverse de la région côtière orientale du Fife, où se trouve Pittenweem, et de l'Écosse dans son ensemble, le petit village situé dans l'estuaire du fleuve Forth s'est massivement prononcé pour le Brexit lors du référendum de juin 2016.
"Je veux qu'on sorte, si possible demain", insiste Bill Wood, un pêcheur septuagénaire à la retraite. Il se remémore des jours meilleurs avant que le Royaume-Uni ne rejoigne le club européen en 1973: "Je veux retrouver ce que nous avions avant (...) Il nous faut nos propres eaux pour nos propres poissons".
Comme sur les autres côtes du Royaume-Uni, les quotas de la Politique commune de la pêche (PCP), qui limitent les quantités de poissons et de crustacés pêchés, suscitent la colère à Pittenweem. De même que l'accès aux eaux territoriales britanniques accordé à des bateaux étrangers.
"On n'a pas le droit de décider ce qu'on pêche, tout est décidé par eux", à savoir l'UE, dénonce John Wilson, un autre pêcheur.
- Exportations -
Theresa May a promis qu'après le Brexit, le Royaume-Uni serait libre de fixer ses quotas de prêche et négocier l'accès à ses eaux.
Mais l'accord qu'elle a âprement négocié avec l'UE prévoit, dans l'attente de la mise en place de la future relation avec l'UE, une période de transition de 21 mois, durant laquelle les pêcheurs européens garderont leur accès aux eaux britanniques et les Britanniques resteront soumis aux quotas de pêche européens.
Le port de Pittenweem abrite environ 35 chalutiers, pêchant surtout des crustacés tels que homards, crevettes, crabes ainsi que des coquilles Saint-Jacques. Les prises sont principalement exportées vers des pays membres de l'UE comme l'Espagne, la France et les Pays-Bas, qui pourraient imposer des droits de douane sur ces importations si Londres refuse de leur garantir l'accès à ses eaux.
"Nous allons être utilisés comme moyen de pression", affirme Russell Ritchie. Ce propriétaire de bateau de pêche admet que cette perspective l'a fait réfléchir sur son vote en faveur d'une sortie de l'UE. "Je pense que je voterais pour le maintien s'il devait y avoir un deuxième référendum".
Il reconnaît que le Brexit pourrait "entraver" l'industrie des produits de la mer, dépendante d'échanges transfrontaliers rapides. Car la menace plane de retards de livraison, de charges financières et de lourdeurs administratives. "Tout se passe bien en ce moment et nous ne voulons pas tout chambouler", concède-t-il.
Mais la coopérative locale des bateaux de pêche assure que nombre de ses membres sont optimistes, et que la qualité de leurs prises leur permettra de faire face quoi qu'il arrive. "Tout le monde veut absolument ce qu'on pêche ici (...) Donc je ne vois pas où est le problème", abonde Bill Wood.