par Julien Toyer et Angus Berwick
MADRID/VALENCE (Reuters) - Les Espagnols étaient un peu moins nombreux à s'être rendus aux urnes dimanche à la mi-journée que lors du précédent scrutin, en 2011, pour des législatives qui pourraient signer la fin du bipartisme avec l'émergence de deux nouveaux venus, Podemos à gauche et Ciudadanos au centre.
Le taux de participation s'élevait à 36,9% à 13h00 GMT (14h00 à Paris), contre 37,9% il y a quatre ans.
Les premières projections seront diffusées par les chaînes de télévision à 19h00 GMT, après la fermeture des bureaux.
L'émergence de nouvelles forces politiques complique la formation de gouvernements stables et durables mais traduit le désir d'une partie de l'électorat - c'est également le cas dans d'autres pays européens comme la France et le Portugal - d'abandonner le schéma classique des alternances entre droite et gauche, au profit de partis considérés comme populistes.
Les sondages donnent en tête le Parti populaire (PP, droite) du président du gouvernement Mariano Rajoy, sans qu'il obtienne toutefois la majorité absolue.
Mercredi, Mariano Rajoy a évoqué une possible alliance avec d'autres formations pour assurer la stabilité politique pendant les quatre années de la prochaine législature mais les principaux partis de l'opposition excluent de participer à une coalition avec le PP.
En cas d'impasse, les analystes craignent que les incertitudes politiques n'entravent le programme de réformes économiques qui a permis de sortir le pays de la récession et de faire baisser le chômage qui reste toujours à un niveau préoccupant, à 21% de la population active.
Reste que de nombreux Espagnols voient dans ces élections une occasion de bousculer un système politique qu'ils jugent corrompu et inefficace.
"Le PP et les socialistes sont à bout de souffle. Ils ont fait des tas de promesses qu'ils n'ont pas tenues et j'espère que Podemos apportera enfin le changement", confie Cristian Ciudad, un poissonnier de 22 ans qui travaille sur le marché de Valence, dans le sud-est du pays.
BEAUCOUP D'INDÉCIS
Beaucoup de ses amis, dit-ils, voteront comme lui pour Podemos ("Nous pouvons"), parti de gauche anti-austérité qui pourrait selon eux apporter du travail aux jeunes.
"Pas de travail, pas d'argent. Pas d'argent, pas de maison, et rien de tout ce qu'il faut pour vivre", dit Cristian Ciudad.
Un tiers environ des 36,5 millions d'électeurs se déclaraient indécis avant le scrutin.
Les socialistes du PSOE devraient arriver en deuxième position, devant Podemos et un autre nouveau parti, Ciudadanos ("Citoyens"), une formation libérale, qui se disputent la troisième place dans l'espoir de devenir des "faiseurs de roi".
Le chef de file du PSOE, Pedro Sanchez, et le numéro un de Ciudadanos, Albert Rivera, ont rejeté toute idée de coalition avec le PP.
"Ce serait une déception pour les millions d'électeurs de Ciudadanos si nous entrions dans un gouvernement ou dans une coalition avec des partis qui représentent les moeurs politiques du passé", a déclaré Albert Rivera dans une interview télévisée lundi dernier.
"Il est possible d'être dans l'opposition et de soutenir l'investiture d'un autre parti mais je ne le ferai pas", a-t-il ajouté.
Pourtant, au niveau local, Ciudadanos soutient des gouvernements de gauche ou de droite dans cinq régions.
Un gouvernement socialiste avec l'appui de Podemos est également possible mais le dirigeant du nouveau mouvement, Pablo Iglesias, exige d'importantes concessions pour envisager cette option.
"Les nouveaux partis pourraient considérer simplement le scrutin de dimanche comme un premier tour et en attendre un second qui leur permettrait, espèrent-ils, de devenir dominants", explique le politologue Antoni Gutierrez Rubi, de la société de conseil Ideograma.
Pour lui, ce serait une mauvaise chose qui compliquerait la marche des réformes et pourrait même entraîner de nouvelles élections.
(Avec Inmaculada Sanz; Guy Kerivel, Eric Faye et Tangi Salaün pour le service français)