L'économie reste le point noir du bilan de la présidente brésilienne Dilma Rousseff et pourrait lui barrer la voie à un deuxième mandat alors que mardi, l'agence Moody's a abaissé à négative la perspective de la note du pays, désormais en récession.
A moins d'un mois du premier tour, le 5 octobre, l'agence américaine de notation émet des doutes sur la septième économie mondiale: le "risque croissant d'une longue période de faible croissance et d'une détérioration des paramètres de la dette tendent vers une réduction de la solvabilité du Brésil".
Elle maintient sa note à long terme à Baa2, soit un émetteur de qualité moyenne, en mesure de faire face à ses obligations. Mais la perspective associée à cette note n'est plus stable mais négative, ouvrant la voie à une éventuelle dégradation.
Pour Dilma Rousseff, héritière politique de Lula et candidate du Parti des travailleurs (PT), l'annonce complique encore les choses, dix jours après la confirmation que le pays est entré en récession au premier semestre.
La présidente de 66 ans est en effet sous la menace claire de son opposante surprise, l'écologiste Marina Silva, 56 ans: un sondage de l'institut MDA publié mardi les donne à égalité lors d'un probable second tour, avec 45,5% pour Silva et 42,7% pour Rousseff.
Elle souffre aussi de la révélation, samedi, d'un énorme scandale de corruption impliquant des élus de la majorité, qui auraient reçu des pots de vins de la compagnie pétrolière d'Etat Petrobras.
Alors que ses détracteurs critiquent son bilan économique, Moody's, même si elle se garde de prendre position pour un candidat, semble abonder en leur sens, soulignant "le sentiment négatif des investisseurs, dû à une perception plus large, de la part des marchés, face à l'interventionnisme de l'administration actuelle".
Selon elle, leur confiance est au plus bas, ce qui rend "improbable" "une reprise durable de l'activité".
Et les perspectives ne sont guère encourageantes, Moody's prévoyant une croissance de moins de 1% cette année - soit la plus faible depuis 2009- et de moins de 2% en 2015.
Le pays reste sur trois années consécutives de croissance modérée: après un dernier pic à 7,5% en 2010, le PIB a progressé de 2,7% en 2011, 1% en 2012 et 2,5% en 2013.
Un consensus d'analystes interrogés par la Banque centrale a abaissé lundi sa prévision de croissance pour 2014 à 0,48%, contre 0,52% une semaine plus tôt et 1,9% en janvier.
Et le gouvernement a reconnu qu'il réviserait bientôt sa propre prévision.
- Inflation élevée, croissance faible -
Mardi, le ministère du Bugdet s'est défendu face à la sanction de Moody's, l'attribuant à "des facteurs conjoncturels" au cours du premier semestre, des "problèmes (qui) sont en train d'être surmontés" au second.
Le Brésil est "une économie solide" qui est déjà sur "une trajectoire de reprise graduelle qui continuera tout au long de l'année prochaine", a affirmé le ministère dans un communiqué.
Mais pour le candidat social-démocrate Aecio Neves (PSDB), troisième en intentions de vote, cette décision "montre que les conquêtes économiques et sociales du Brésil sont en danger, en raison des décisions erronées de politique économique, avec une flexibilisation fiscale exagérée, qui ont affecté de manière significative la confiance des investisseurs".
Le peu d'optimisme dont fait preuve l'agence de notation face à la première économie d'Amérique latine s'explique facilement, selon l'analyste financier Felipe Queiroz: "il y a une inflation élevée (6,5% sur douze mois, ndlr), une croissance faible et pas de perspectives d'amélioration" avant 2016, "à moins d'un miracle."
"Il y a une détérioration des fondamentaux macroéconomiques brésiliens: l'inflation en hausse, l'absence de croissance, le déficit externe qui ne peut qu'augmenter et les finances publiques qui sont désorganisées", renchérit l'économiste Margarida Gutierrez, de l'université fédérale de Rio de Janeiro.
Pour l'économiste André Perfeito de Gradual Investimentos, "le Brésil est encore à plus d'un cran, dans l'échelle de Moody's, de la catégorie spéculative, donc la décision d'aujourd'hui n'est pas vue comme un grand risque".
Mais "quel que soit le vainqueur, le prochain président devra indiquer qu'il appliquera une plus grande discipline fiscale".
Moody's a précisé mardi ce qu'elle attend de lui: qu'il adopte des "mesures que les investisseurs pourraient voir comme menant vers un environnement économique plus favorable au marché, ce qui permettrait à la croissance de se rapprocher du potentiel du Brésil".