par Pascale Denis et Dominique Vidalon
PARIS (Reuters) - Plombé par une consommation en berne et de mauvaises conditions météo, le marché français de la distribution a reculé en France au troisième trimestre, a déclaré mercredi à Reuters Michel-Edouard Leclerc, annonçant avoir engagé un plan d'investissement massif pour traverser la crise et faire face à une menace de déflation durable.
Le deuxième distributeur de France derrière Carrefour va investir 1,2 milliard d'euros entre juin 2014 et la fin 2015 dans le développement du drive (points de retrait de commandes passées sur internet), la rénovation de ses hypermarchés ou l'amélioration de ses outils logistiques.
Comme Carrefour, engagé dans un vaste programme de rénovation de ses hypers, le champion des prix bas veut attirer la clientèle dans ses magasins avec une offre attractive et plus rentable, parallèlement à celle des drive, plus limitée et très concurrentielle.
"C'est un investissement d'adaptation à la crise (...) Il faut faire des gains logistiques, développer encore le drive et nos magasins spécialisés tout en attirant les clients dans les hypermarchés", a dit le président du mouvement d'indépendants, lors d'une interview en marge du "World retail congres" à Paris.
Il faut élargir la capacité d'arbitrage du consommateur. S'il va moins au restaurant, il faut lui proposer des produits plus festifs, souligne Michel-Edouard Leclerc.
La baisse du pouvoir d'achat "effectif" (hors dépenses contraintes), le chômage, l'absence de revalorisation des salaires et de moindres transferts sociaux dictés par les économies budgétaires sont autant d'éléments constitutifs selon lui d'une crise durable.
"DANS LE DUR DE LA CRISE"
"Nous sommes entrés dans le dur de la crise. Le marché, toutes enseignes confondues, est devenu négatif en juillet. Août n'a pas été bon non plus et septembre a confirmé la baisse", a observé Michel-Edouard Leclerc.
Selon l'institut IRI, le marché de la distribution, tous circuits confondus, a reculé de 1,6% en juillet et août en volume comme en valeur. Les baisses ont été particulièrement fortes pour la bière, les glaces, les boissons sans alcool et sur certains produits cosmétiques comme les crèmes solaires, récemment évoquées par le PDG de L'Oréal.
Alors que la guerre des prix fait rage et que la déflation menace de s'installer, Michel-Edouard Leclerc se défend d'alimenter le mouvement de baisse, estimant que "distributeurs et industriels sont obligés de suivre l'évolution du pouvoir d'achat des consommateurs".
Les industriels comme L'Oréal ou Danone ont selon lui conscience de la nécessité d'ajuster leurs tarifs.
La guerre des prix - relancée par le retour de Carrefour dans la bataille il y a deux ans sous la houlette de Georges Plassat - a redoublé d'intensité avec l'entrée en lice de Géant Casino en 2013 puis d'Auchan au printemps 2014.
A la fin août 2014, le prix des produits de grande consommation vendus dans la grande distribution était en baisse de 1,7% par rapport à la même période de 2013, selon l'IRI.
Pour compenser les baisses de marges sur les produits courants, qui restent le vecteur d'attractivité de leur enseigne, les distributeurs retravaillent leurs gammes et les enrichissent.
MARCHE EN BAISSE
Michel-Edouard Leclerc estime à 2% la croissance du chiffre d'affaires du groupement à la fin septembre, une progression essentiellement tirée par le développement des drive et de ses enseignes spécialisées dans la parapharmacie, les bijoux ou l'optique.
Sur l'ensemble de 2014, la croissance devrait difficilement atteindre les 3%, au lieu des 3,5%-4,0% prévus en février et après 4,9% en 2013.
A l'approche des négociations commerciales qui débutent en novembre avec les fournisseurs, Michel-Edouard Leclerc prédit des discussions difficiles, où les distributeurs voudront, outre le prix, discuter aussi du choix des produits.
"Les distributeurs se rapproprient le merchandising, ils pensent leur offre et ne veulent plus se la laisser imposer par les industriels", dit-il.
Avec une part de marché de 20,2%, Leclerc talonne Carrefour (20,7%) qui devrait cependant se démarquer grâce au rachat de Dia en France et atteindre les 22%, selon KantarWorldPanel.
Leclerc compte actuellement 665 magasins en France. Il prévoit d'ouvrir encore une centaine de drive d'ici la fin 2015, qui s'ajouteront aux 528 qu'il détient aujourd'hui.
(Edité par Jean-Michel Bélot)