Le gouvernement espère récupérer l'année prochaine 2,4 milliards d'euros de recettes grâce aux régularisations de personnes détenant un compte bancaire non déclaré à l'étranger, une manne bienvenue pour boucler le projet de budget 2016, qui sera dévoilé mercredi.
Les "repentis fiscaux" rapportent gros. Depuis la création de la cellule de régularisation des avoirs fiscaux en 2013, près de 44.000 contribuables ont ainsi décidé, selon le ministère des Finances, de se dénoncer à l'administration fiscale pour rapatrier en France leur compte jusque-là détenu en secret à l'étranger.
De "très bons résultats", selon Michel Sapin, qui ont poussé Bercy à revoir à la hausse le montant des recettes inscrit au projet de loi de finances (PLF) 2016.
L'année prochaine, ce sont désormais "2,4 milliards d'euros" qui devraient être récupérés par le fisc, "soit 600 millions de plus qu'anticipé", a précisé le ministre lors d'une visite lundi au pôle déconcentré de régularisation des avoirs détenus à l'étranger de Saint-Germain-en-Laye, près de Paris.
D'après le ministère des Finances, le montant des recettes en 2015 devrait être lui aussi plus important que prévu, de l'ordre de 2,65 milliards d'euros. Une ressource d'autant plus bienvenue que le retour en France des "repentis fiscaux" fait augmenter l'impôt sur la fortune (ISF) perçu par l'administration.
Créé par circulaire en juin 2013, le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) permet aux détenteurs d'un compte non déclaré de se manifester spontanément auprès du fisc. Le régime de majoration et pénalités de droit commun est appliqué, mais avec un aménagement à la baisse pour les contribuables considérés comme "passifs" car ayant hérité d'avoirs auxquels ils n'ont pas touché.
"Cela montre que nous avons eu raison de mettre en place un dispositif de cette nature", a déclaré M. Sapin.
Depuis le 1er juin, devant l'afflux des demandes, sept pôles interrégionaux ont été créés pour renforcer le STDR. Ils sont situés à Paris, Vanves, Saint-Germain-en-Laye, Strasbourg, Bordeaux, Lyon et Marseille.
- "L'arbre qui cache la forêt"? -
A l'origine de cet afflux, qui d'après le ministère des Finances devrait se poursuivre encore quelques années: la peur des contrôles fiscaux, liée aux progrès réalisés en matière de transparence et d'échange d'informations entre les différents pays, notamment la Suisse.
"D'ici quelque temps, les traitements seront plus sévères, plus contraignants. Les personnes concernées le savent", a souligné Christian Eckert, secrétaire d'Etat au Budget, faisant état d'"arrivées de dossiers encore substantielles chaque semaine" sur les bureaux de l'administration.
A compter de 2017, plus de 50 États, parmi lesquels tous les pays de l'Union européenne, s'échangeront des informations relatives aux comptes bancaires. En 2018, ils seront plus de 90, selon Bercy, qui estime qu'il ne sera alors "plus possible" de "cacher" des avoirs détenus à l'étranger, notamment en Suisse.
Sur les comptes régularisés par le fisc depuis 2013, 85% étaient ainsi domiciliés dans la confédération helvétique, contre 7% au Lxembourg, les 8% restant étant basés entre autres à Hong Kong ou Singapour. Les avoirs déclarés étaient en moyenne de 735.000 euros.
Ces rapatriements vont bénéficier "aux mesures de justice fiscale en même temps qu'au rétablissement des finances publiques", a assuré Christian Eckert.
Une situation inespérée pour le gouvernement, qui doit trouver des financements dans le cadre de son projet de loi de finances pour compenser la baisse d'impôts de deux milliards d'euros promises en 2016 aux ménages les plus modestes, après déjà un geste fiscal de plus de 3 milliards en 2015.
"Entre 2015 et 2016, ce sont cinq milliards qui devraient être recouvrés" au total par l'administration, reconnaît Michel Sapin. "C'est très exactement le montant des baisses d'impôts qui ont été votées en 2015 et qui vont être proposée en 2016".
Un enthousiasme nuancé par Jean-Marc Le Corronc, du syndicat FO Finances publiques, venu lundi à la rencontre des ministres.
Les repentis fiscaux, "ça fait rentrer beaucoup d'argent mais ça n'est basé que sur du déclaratif, et c'est l'arbre qui cache la forêt", estime-t-il. "Sur les contrôles fiscaux classiques, les efforts fournis ne sont clairement pas à la hauteur des enjeux", ajoute le syndicaliste. Qui redoute que le phénomène ne s'aggrave avec la cure d'austérité prévue en 2016, où quelque 2.500 postes doivent être supprimés à Bercy.