Rigueur budgétaire pour diminuer un endettement toujours colossal, réforme de la gouvernance, adhésion des opinions publiques: responsables politiques et économiques ont appelé dimanche les Européens à un nouveau souffle lors des Rencontres économiques d'Aix-en-Provence.
La plupart des intervenants ont souligné la nécessité pour les Européens de poursuivre leurs efforts de redressement, au regard de l'ampleur des dettes souveraines des pays riches qui ne sont pas près d'être remboursées.
"On a un taux moyen aujourd'hui de 110%" du PIB de dette publique dans les économies avancées, a affirmé la directrice du Fonds monétaire international (FMI) Chritine Lagarde. "C'est du jamais vu depuis les années 1880". Ces dettes se sont certes "considérablement alourdies à l'occasion des différents plans de relance" en 2009, mais ne peuvent pour autant pas être effacées, a-t-elle prévenu.
"On ne peut pas imaginer un instant que toutes les économies avancées se retrouvent en Club de Paris dans une perspective de restructuration des dettes globales", a affirmé Mme Lagarde, préconisant "des politiques budgétaires responsables, crédibles et de long terme" pour "placer l'endettement sur une trajectoire descendante".
Un avis partagé par le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, qui avait jugé samedi "extraordinairement dangereuse" une annulation totale de dette souveraine.
"On est en train de changer de paradigme", a de son côté estimé le ministre français de l'Economie, Pierre Moscovici, jugeant que l'Europe commençait à revenir à une atttitude plus pragmatique en privilégiant les mesures structurelles pour relancer l'activité plutôt qu'un respect sacro-saint du retour des déficits sous le plafond des 3% de PIB.
Déficit de légitimité démocratique
Autre obstacle à surmonter, le déficit de légitimité démocratique de l'Europe, à un an des élections européennes et du renouvellement de la Commission de Bruxelles.
Dans la crise, "nous avons réussi à faire d'immenses pas en avant", à travers "des décisions prises par 17 démocraties", a estimé de son côté l'ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, mettant notamment en avant "le renforcement du Pacte de stabilité", la surveillance macro-économique et l'Union bancaire.
"Nous avons donc renforcé de facto considérablement l'union politique (mais) il n'y a pas l'équivalent en légitimité démocratique", a-t-il regretté, appelant à "donner beaucoup plus de capacité d'influence et de décision au Parlement européen".
"Pour le meilleur et pour le pire, la zone euro est une sorte de laboratoire des déséquilibres et des contradictions qu'on voit au niveau mondial", a constaté de son côté Benoît Coeuré, membre français du directoire de la BCE. "Il faut trouver des solutions communes", a-t-il noté.
Ce voeu de davantage de démocratie européenne passe pour M. Moscovici par une reconfiguration de sa gouvernance. Se prononçant pour que le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires devienne aussi "ministre des Finances" de la zone euro, il a plaidé pour que celle-ci soit dotée d'un budget propre.
Le ministre a de nouveau défendu la création d'une "commission" de la zone euro au sein du Parlement européen.
Une telle réforme de gouvernance a pour but, a-t-il détaillé, d'endiguer "le populisme" et les discours anti-européens, qui fleurissent actuellement sur le Vieux continent.
"Je suis toujours sidéré des nuits qu'on passe sur des virgules par rapport à des décisions qu'on aurait pu ou dû préparer", a raconté M. Moscovici à propos des sommets européens. "Et pourtant, l'Europe a réussi à traiter la crise financière, il lui reste maintenant à résoudre la question essentielle qui lui est posée: le grand défi de la croissance", a-t-il ajouté.