PARIS (Reuters) - La commission des Lois de l'Assemblée a durci le projet de loi sur le renforcement de la lutte contre le terrorisme censé conjurer la menace représentée par la présence de nombreux djihadistes français et européens en Syrie et en Irak.
La mesure phare du projet du gouvernement prévoit la possibilité d'interdire pendant une période limitée la sortie du territoire à une personne majeure soupçonnée de vouloir se rendre sur le théâtre des opérations djihadistes.
Le texte crée une nouvelle incrimination, celle "d'entreprise individuelle terroriste", et renforce également la répression sur internet avec la possibilité d'un blocage administratif des sites faisant l'apologie du terrorisme.
"Lorsque ces jeunes (...) ont fréquenté le crime dans sa dimension la plus barbare et la plus atroce, avec des exécutions en nombre, des décapitations, des crucifixions, leur psychologie est détruite au point que lorsqu'ils reviennent, ils représentent un danger pour la sécurité de notre pays", a dit mardi à Marseille le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve.
La commission des Lois a adopté mardi avec des amendements ce projet de loi adopté le 9 juillet en conseil des ministres après l'attentat du Musée juif de Bruxelles le 24 mai.
Le débat a été nourri par l'arrestation dans ce dossier d'un Français, Mehdi Nemmouche, soupçonné d'avoir tué quatre personnes à Bruxelles, et le départ de France, à l'insu des autorités, de Souad Merah, la soeur du djihadiste qui a abattu sept personnes en mars 2012 à Toulouse et Montauban.
Ce texte, qui devrait être débattu en séance publique par les députés vers la mi-septembre, complète le plan mis en place fin avril dans le but d'endiguer les départs vers les zones de combats et de contrôler les retours.
Pour empêcher le départ des mineurs, les autorités ont déjà mis en place une interdiction sur demande des parents qui se traduit par une inscription au fichier des personnes recherchées et une signalisation au système d'information Schengen.
DURCIR ET PRÉCISER
Tous les amendements présentés par le rapporteur de la commission, Sébastien Pietrasanta (PS), ont été votés.
La carte d'identité, et plus seulement le passeport, pourra être confisquée, ce document suffisant pour entrer en Turquie, principale porte d'entrée en Syrie.
Un autre amendement précise l'incrimination "d'entreprise individuelle terroriste", qui sera étayée par le fait de détenir des armes et des explosifs mais aussi par la recherche sur internet des sites "provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie".
Enfin, les éditeurs et hébergeurs de sites "provoquant aux actes de terrorisme ou en faisant l'apologie" seront, selon un autre amendement, obligés de retirer les contenus en question.
Une personnalité qualifiée nommée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) pourra contester le blocage du site.
Le Conseil national du numérique, qui regroupe des députés et des experts, a publié un avis négatif, cette disposition ne garantissant selon lui pas suffisamment la liberté d'expression.
Selon Sébastien Pietrasanta, 900 Français sont impliqués dans les filières syriennes. A la mi-juillet, a-t-il précisé, 343 Français combattaient en Syrie, dont sept mineurs et une cinquantaine de femmes, 151 personnes étaient en transit, 172 étaient reparties de Syrie, dont une centaine sont rentrées en France. Trente-trois de ces combattants ont été tués.
Trois personnes soupçonnées d'appartenir à une cellule djihadiste ont été interpellées mardi matin à Albi (Tarn) au cours d'une opération menée par le Raid et la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure).
(Emile Picy, avec François Revilla à Marseille, édité par Yves Clarisse)