PARIS (Reuters) - Le comité central d'entreprise (CCE) d' Alstom (PA:ALSO), dont les salariés ont manifesté mardi pour la sauvegarde de l'emploi sur le site menacé de Belfort, a voté un droit d'alerte économique sur le groupe et mandaté un cabinet d'experts, a appris Reuters de source syndicale.
Le droit d'alerte économique est une procédure que le CCE peut déclencher pour obtenir un état précis de la situation d'une entreprise si celui-ci est jugée préoccupante.
"Il y a eu un vote à l'unanimité, toutes organisations syndicales confondues", a déclaré mardi à Reuters André Fages, délégué de la CFE-CGC du site de Belfort et membre du CCE, selon qui la séance a ensuite été suspendue sine die.
Le CCE a mandaté le cabinet d'expertise Cecafi, qui suit habituellement le groupe, recentré sur ses activités dans le transport ferroviaire depuis la cession de sa branche énergie à General Electric (NYSE:GE).
"Nous voulons un état économique de la société et de l'impact des choix stratégiques de la direction sur l'entreprise", a ajouté André Fages.
La direction d'Alstom a pris acte du vote du CCE.
"C'est une demande d'expertise complémentaire aux expertises annuelles sur les comptes. Nous allons nous y conformer", a-t-on dit à Reuters de source proche des dirigeants de l'entreprise.
Les syndicats sont dans l'attente de propositions du gouvernement, détenteur provisoire de 20% des droits de vote au sein du groupe, pour sauver le site de Belfort, spécialisé dans la fabrication de motrices, dont la direction a annoncé il y a 15 jours le transfert en Alsace.
Olivier Kohler, un délégué CFDT d'Alstom à Belfort qui participait mardi à la manifestation des salariés au siège du groupe à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), a expliqué après avoir été reçu par la direction que celle-ci "persiste et signe dans son projet de tranférer l'activité de Belfort sur Reichshoffen".
NOUVEAU CCE MARDI PROCHAIN
L'inquiétude a gagné l'usine Alstom d'Aytré, près de la Rochelle, où quelque 300 salariés se sont réunis en signe de soutien aux salariés de Belfort.
"On vient d'apprendre que La Rochelle serait dans la même situation s'ils n'ont pas de commandes en 2018", a dit sur France 3 Poitou-Charentes le délégué Force ouvrière Fabrice Cotrel, qui estime que "la solution doit venir de l'État".
L'usine d'Aytré emploie 1.200 salariés dont une centaine d'intérimaires qui travaillent à l'assemblage de tramways et de TGV.
Le PDG d'Alstom, Henri Poupart-Lafarge, en discussion avec le gouvernement, a déclaré mardi vouloir attendre les propositions du gouvernement et les étudier avant de statuer définitivement sur le sort du site de Belfort.
"Je ne sais pas aujourd'hui quelle sera la nature des annonces du plan qui sera mis en oeuvre, annoncé par le gouvernment, par nous-mêmes, je sais pas dans quelle forme, dans les jours qui viennent. Je n'en sais rien", a-t-il déclaré lors d'une audition à l'Assemblée nationale.
Selon des sources syndicales, le secrétaire d'Etat à l'Industrie, Christophe Sirugue, recevra les syndicats vendredi ou au début de la semaine prochaine, pour leur présenter un "projet global" portant sur l'ensemble des sites d'Alstom.
Un comité d'entreprise de groupe au niveau européen est prévu mardi prochain. Selon Philippe Pillot, délégué Force ouvrière, c'est à cette occasion que la direction d'Alstom pourrait dévoiler ses intentions.
Le président du Medef, Pierre Gattaz, interrogé par RTL, a mis en garde mardi le gouvernement contre la tentation de susciter des commandes "électoralistes ou artificielles" pour remplir les carnets de commande d'Alstom.
Si c'était le cas, "ça ne marchera pas durablement (...) On va régler le problème pendant deux ans et dans deux ans vous aurez le même problème à régler", a-t-il dit.
"Les entreprises sont des êtres vivants qui s'adaptent dans un monde en mutation permanente. Donc soit en effet il y a des commandes, des vraies commandes qui arrivent, et bravo, ce site de Belfort pourra être sauvé et se déployer", a-t-il ajouté. "Soit il n'y a pas de commande, il n'y a pas de marché, il faut adapter ce site. Par contre, il faut s'intéresser aux salariés, qui devront être accompagnés dans leur mutation."
(Emmanuel Jarry, avec Claude Canellas, Myriam Rivet et Leigh Thomas, édité par Yves Clarisse)