La colère gronde en Belgique après l'annonce de la fermeture par ArcelorMittal de ses deux hauts-fourneaux de Liège, avec jusqu'à 2.000 emplois directs et indirects menacés, dans un pays toujours traumatisé par la crise de la sidérurgie des années 1970 et 1980.
"Un cataclysme", un "hold-up social", "une décision cynique": les dénonciations pleuvaient jeudi, au lendemain du choc provoqué par les premières informations dévoilées par les syndicats.
La direction d'ArcelorMittal n'a pas confirmé jeudi ses projets. Elle a annulé, à la dernière minute, un conseil d'entreprise extraordinaire prévu à son siège local.
"200 à 300 travailleurs s'étaient rassemblés devant le bâtiment et la direction a considéré que les conditions de sécurité n'étaient pas réunies", a indiqué à l'AFP Jordan Atanasov, responsable du syndicat chrétien CSC.
A la suite du refus syndical de délocaliser le conseil d'entreprise à Bruxelles, aucune réunion ne s'est tenue jeudi.
Selon les informations disponibles, le numéro un mondial de l'acier projette de stopper définitivement la phase dite "à chaud" sur le site, qui comprend deux hauts-fourneaux situés sur les bords de la Meuse à Seraing et Ougrée. Ces derniers étaient déjà à l'arrêt, à titre provisoire, selon la direction, en raison de la baisse de la demande.
ArcelorMittal emploie quelque 3.000 personnes à Liège, l'un des berceaux de la sidérurgie européenne. L'arrêt des hauts-fourneaux entraînerait la perte de 563 emplois directs et de 1.400 à 2.000 au total en comptant les sous-traitants, selon des estimations. Ne resterait que la phase "à froid", qui fabrique des tôles pour l'automobile et la construction, et dont l'avenir deviendrait très incertain en l'absence de la production des hauts-fourneaux.
Pour Liège, l'annonce du groupe indien enterre les espoirs nés lorsqu'il avait racheté en 2006 le groupe européen Arcelor, propriétaire des lieux. Il avait été accueilli en "sauveur" en revenant sur l'arrêt programmé de la filière.
Mais le redémarrage de l'un des hauts-fourneaux n'a duré que quelques mois... "Depuis dix ans, l'histoire de la phase à chaud liégeoise est la chronique d'une mort annoncée", a souligné jeudi Le Soir.
Pour le quotidien belge, "le moment est venu de tourner la page" alors que la sidérurgie n'emploie plus que 14.500 personnes dans toute la Belgique contre plus de 70.000 au milieu des années 1970.
Il s'agit d'un "drame social, économique et humain", a réagi le Premier ministre Yves Leterme, tandis que syndicats et responsables politiques locaux accusaient de "trahison" Lakshmi Mittal, le patron du groupe.
"Il n'a jamais tenu ses promesses en terme d'investissements alors que nous nous sommes adaptés à ses exigences: gel des salaires, plan de départs volontaires, flexibilité accrue...", a dénoncé M. Atanasov.
ArcelorMittal a fait preuve "d'un cynisme et d’un manque de responsabilités absolus", a renchéri le ministre wallon de l'Economie, Jean-Claude Marcourt.
"S'il ne cède pas l'outil (à un repreneur), nous exigerons le démantèlement, la remise en état et la dépollution du site, ce qui coûtera très cher. Ils ne laisseront pas un chancre industriel", a-t-il affirmé.
Malgré la proximité de la Meuse, les hauts-fourneaux de Liège sont handicapés par rapport aux sites situés en bord de mer, comme Dunkerque (nord de la France). C'est également le cas pour l'usine ArcelorMittal de Florange (Moselle), qui a été mise à l'arrêt pour une durée indéterminée début octobre dans le cadre d'un plan de réduction de coûts de 1,2 milliard de dollars lancé par le groupe.