PARIS (Reuters) - La déchéance de nationalité française pour les binationaux coupables de faits de terrorisme est un coup politique de François Hollande pour créer de la confusion et son efficacité sera limitée, voire nulle, estime Alain Juppé.
Dans une interview au Journal du dimanche, l'ancien Premier ministre appelle de ses voeux un "plan d'ensemble" pour lutter contre le terrorisme qui repose sur un recours accru aux nouvelles technologies.
"Ce n'est pas une réforme utile", dit-il du projet d'extension de la déchéance de nationalité proposé par le chef de l'Etat, qui suscite de violentes critiques à gauche mais est soutenu par une grande partie de la droite, notamment les partisans de l'ancien président Nicolas Sarkozy.
"Elle ne permettra pas de prévenir de nouveaux actes terroristes, elle ne dissuadera aucun djihadiste de se faire sauter", estime Alain Juppé, ajoutant : "C'est un coup politique de François Hollande pour semer de la confusion dans le débat."
A la question de savoir s'il pourrait voter une telle mesure s'il était parlementaire, le maire de Bordeaux répond : "A condition que le texte définitif se limite aux incriminations déjà prévues dans le Code civil pour la déchéance des Français binationaux naturalisés."
"Sans cela, la surenchère serait possible et elle serait dangereuse : le FN l'annonce déjà", indique-t-il.
Selon Alain Juppé, pour lutter contre le terrorisme, "il faut un plan d'ensemble visant par exemple à investir dans les nouvelles technologies, la biométrie et la reconnaissance comportementale, à pénaliser la consultation des sites radicaux, à appliquer effectivement les peines prononcées."
"J'attends aussi les résultats obtenus dans le cadre de l'état d'urgence pour juger de la détermination réelle du gouvernement", déclare-t-il.
La publication de cette interview intervient avant celle de son deuxième livre-programme en vue des primaires de novembre à droite pour la présidentielle de 2017, qu'il a intitulé "Pour un Etat fort".
Il critique sévèrement la politique pénale du gouvernement dans cet ouvrage et défend la nécessité d'augmenter les moyens de la lutte contre le terrorisme sans renoncer à diminuer les déficits publics.
"Un État fort, c'est un État qui assume pleinement ses missions premières, qui se recentre sur l'essentiel, mais c'est aussi un État qui dépense moins, qui assume des décisions difficiles en réformant les retraites ou en optimisant nos dépenses sociales, c'est un État qui fait sa révolution numérique et redéfinit son périmètre."
"Ne tirons pas prétexte du terrorisme pour retomber dans le laxisme budgétaire. Une France endettée, c'est une France affaiblie", dit-il à l'adresse du gouvernement.
(Yann Le Guernigou)