PEKIN/SHANGHAI (Reuters) - La Chine a décidé de limiter les exportations de métaux rares servant notamment à la fabrication de puces et de véhicules électriques, mesure perçue comme une riposte aux restrictions imposées Washington dans le domaine technologique qui pourrait perturber les chaînes d'approvisionnement.
Le ministère chinois du Commerce a annoncé lundi que les exportations de huit produits contenant du gallium, un dérivé d'aluminium et de zinc, et six produits contenant du germanium, extrait de métaux rares, seraient limitées à partir du 1er août pour des raisons de sécurité nationale.
Bien que Pékin ne l'ait pas explicitement mentionné, cette initiative a été perçue par les experts comme une riposte aux restrictions imposées par Washington et certains de ses alliés aux exportations de semi-conducteurs vers la Chine.
L'annonce du ministère du Commerce a aussitôt fait flamber les prix du gallium et du germanium et provoqué l'inquiétude des entreprises qui y ont recours. "La Chine a tapé là où ça fait mal", a commenté Peter Arkell, président de la Global Mining Association of China.
Certains industriels craignent désormais une extension de ces restrictions aux terres rares, dont la Chine est le premier producteur mondial, et qui sont indispensables à la fabrication de voitures électriques ou encore à l'industrie de la défense.
"Il est totalement illusoire de penser qu'un autre pays peut remplacer la Chine (sur le marché des métaux rares) à court et même à moyen terme", estime Peter Arkell.
YELLEN ATTENDUE À PÉKIN
La Chine a lancé sa contre-attaque technologique alors que la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, est attendue cette semaine à Pékin, ce qui constitue un message explicite à l'intention de Washington.
Pour autant, les Etats-Unis ne sont pas les plus gros importateurs de gallium et de germanium produits en Chine. Selon les données du site spécialisé Caixin, il s'agit pour le gallium du Japon, de l'Allemagne et des Pays-Bas ; et pour le germanium, du Japon, de la France, de l'Allemagne et des Etats-Unis.
Pour continuer à en importer, les entreprises étrangères vont devoir demander des permis d'exportation dont la délivrance pourrait prendre jusqu'à deux mois
Si les industriels s'attendaient à ce que des restrictions soient un jour imposées, le calendrier les a pris par surprise et la flambée des prix qu'il a provoqué va faire exploser les coûts de production et potentiellement générer des pertes de revenus pour les entreprises tout au long de la chaîne, selon un responsable d'un producteur de germanium basé en Chine, qui a tenu à rester anonyme.
Des responsables gouvernementaux à Taïwan et en Corée du Sud se sont montrés moins alarmistes, jugeant que l'impact de cette mesure ne devrait se faire ressentir qu'à court terme.
Le ministère sud-coréen de l'Industrie a précisé dans un communiqué que le pays disposait de réserves suffisantes de gallium, et de sources d'approvisionnement alternatives pour le germanium.
(Reportage d'Amy Lv à Pékin et Brenda Goh à Shanghaï, avec Joyce Lee à Séoul, version française Tangi Salaün, édité par Blandine Hénault)