par Devika Krishna Kumar, Abhirup Roy et Jennifer Saba
(Reuters) - En annonçant mardi le rachat d'AOL pour 4,4 milliards de dollars (3,9 milliards d'euros), Verizon Communications, le premier opérateur mobile américain entend se poser en acteur de premier plan des contenus et de la vidéo pour internet et la téléphonie mobile.
Le fournisseur d'accès AOL, propriétaire entre autres des sites populaires Huffington Post, TechCrunch et Engadget, deviendra une filiale de Verizon, conservant à sa tête son directeur général Tim Armstrong.
Ce dernier, qui a piloté la reconversion réussie d'AOL en un spécialiste des technologies de publicité mobile, estime que les appareils nomades représenteront 80% de la consommation de médias dans les années à venir.
"Pour être en tête, il faut dominer le mobile", déclare Armstrong mardi, dans une note au personnel.
Verizon compte plus de 100 millions d'abonnés mobiles, a conclu des contrats de contenus avec des instances comme la National Football League (NFL) - le championnat professionnel de football américain - et poursuit une "stratégie sensée" dans la vidéo mobile, ajoute-t-il.
Pour Wall Street, avec son offre de 50 dollars par action, qui représente une prime de 17,4% sur le cours de clôture d'AOL de lundi, Verizon a avant-tout des visées technologiques.
"L'attrait principal d'AOL c'est la technologie qu'il a conçue pour vendre des publicités et fournir de la vidéo en ligne et mobile", résume l'analyste Jennifer Fritzsche, de Wells Fargo Securities.
Verizon compte boucler cet été la transaction, qui assume 300 millions de dollars de passif d'AOL.
A Wall Street, l'action AOL bondit de près de 19% à 50,6 dollars à mi-séance, tandis que Verizon, qui entre dans la composition du Dow Jones, cède 0,6% à 49,48 dollars.
CONVERGENCE ENTRE MÉDIAS ET MOBILE
Tim Armstrong a dit à Reuters que les discussions entre AOL et Verizon avaient débuté l'an passé et ajouté, sans plus de précisions, qu'il s'était engagé pour plusieurs années à rester à la tête d'AOL sous la houlette de Verizon.
Selon le site internet Recode, qui cite des sources, il a été question de scinder le Huffington Post dans le cadre du rapprochement avec Verizon et des discussions sérieuses ont été engagées en ce sens avec l'éditeur allemand Axel Springer (XETRA:SPRGn), tandis que des fonds de capital-investissement s'étaient également montrés intéressés.
Le site a été valorisé plus d'un milliard de dollars dans cette hypothèse, poursuit Recode.
Les autres contenus d'AOL n'ont pas été abordés lors des discussions mais sont susceptibles d'intéresser des tierces parties, dit encore Recode.
Le rapprochement entre les deux sociétés était évoqué par les médias en début d'année mais d'autres candidats semblaient susceptibles de s'intéresser à AOL.
Fin septembre 2014, l'investisseur activiste Starboard Value jugeait que Yahoo devait envisager un rapprochement stratégique avec AOL, soulignant que cela lui permettrait de réaliser plus d'un milliard de dollars d'économies.
De leur côté, des actionnaires de Yahoo avaient exhorté Tim Armstrong, début novembre, à explorer les voies d'une fusion entre les deux groupes et à prendre les rênes du nouvel ensemble.
En tous les cas, cette opération est le dernier exemple en date du mouvement de convergence qui s'exerce sur les secteurs des médias et des technologies mobiles aux Etats-Unis.
Ainsi, l'an passé, à peu près à la même époque, AT&T, deuxième opérateur télécoms des Etats-Unis, annonçait le rachat de l'opérateur de télévision par satellite DirecTV pour 48,5 milliards de dollars, une opération qui n'est pas encore bouclée.
VERIZON À L'ÉTROIT DANS LA TÉLÉPHONIE MOBILE
La publicité est devenue une source de revenus conséquente pour AOL, aidé en cela par l'acquisition de plateformes telles qu'Adap.tv. La demande de services permettant aux annonceurs de diffuser leurs publicités sur des sites de vidéos a permis à AOL d'annoncer vendredi dernier un chiffre d'affaires et un bénéfice trimestriels supérieurs aux attentes.
L'accord passé avec Verizon vient couronner des années de labeur au cours desquelles AOL a dû se réinventer pour devenir l'une des sociétés à la pointe des technologies publicitaires.
En 2000, en pleine bulle internet, le groupe avait tiré parti de sa capitalisation boursière et des revenus engrangés auprès de dizaines de millions d'abonnés pour s'offrir le géant des médias Time Warner moyennant une somme dépassant les 160 milliards de dollars.
Cette fusion se révéla catastrophique et AOL fut scindé de Time Warner en 2009 pour être ensuite réintroduit à Wall Street. Depuis le creux touché en 2011, l'action a plus que triplé de valeur mais certains analystes se demandent si Verizon n'a pas surpayé son achat.
"Nous avons le sentiment que Verizon a payé le prix fort... pour ce qui n'est à notre avis qu'une plateforme ad-tech (technologie publicitaire) qui doit encore faire ses preuves dans un espace de la vidéo ad-tech naissant", estiment ceux de Macquarie Capital.
Mais Verizon commençait à se sentir mal à l'aise dans son métier de base, observent d'autres analystes. Il devra acheter des fréquences de téléphonie mobile en masse dans les quelques années à venir pour pouvoir assurer un trafic de vidéo mobile sans cesse croissant.
(Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Véronique Tison)