par Yann Le Guernigou et Jean-Baptiste Vey
PARIS (Reuters) - L'Etat français et les sociétés d'autoroutes ont conclu jeudi un accord qui prévoit un allongement de deux ans en moyenne des concessions en échange d'une contribution de 1,2 milliard d'euros au financement des infrastructures de transports.
L'accord, annoncé par Emmanuel Macron, prévoit en outre le déblocage du plan d'investissements autoroutiers de 3,2 milliards d'euros à charge des concessionnaires.
Comme annoncé mercredi par le Premier ministre Manuel Valls, les péages n'augmenteront pas en 2015 et le rattrapage de la hausse prévue par les contrats de concessions, de 0,57%, sera lissé sur plusieurs années, a indiqué le ministre de l'Economie.
"Ce rattrapage sera fait progressivement dans le temps pour qu'il ait le moins d'impact pour nos concitoyens", a-t-il dit.
L'accord conclu à la mi-journée lors d'une ultime séance de négociation en présence du ministre de l'Economie et de la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal met un terme à des mois de discussions heurtées qui ont impliqué en outre le Parlement.
Les concessionnaires, filiales des groupes Vinci et Eiffage et de l'espagnol Abertis, ont contesté avec véhémence un rapport qui exposait leur "situation de rente" sur fond d'appel de parlementaires de tous bords à une renationalisation de la gestion du réseau autoroutier.
Le bras de fer les a conduits à déposer des recours devant le Conseil d'Etat qu'ils se sont maintenant engagés à retirer dès que les modifications des contrats de concessions issues de l'accord conclu auront été publiées au Journal officiel, a dit à Reuters une source proche des concessionnaires.
"La décision prise est gagnant-gagnant parce que nous remettons à plat les contrats en cours sans les résilier. Cela aurait été remettre en cause la parole de l'Etat et stopper les décisions d'investissement dont notre économie a besoin", a dit Emmanuel Macron.
Validé par la Commission européenne, le nouveau plan autoroutier a été rattaché mercredi au train de mesures en faveur de l'investissement dévoilé par Manuel Valls, qui prévoit un "suramortissement" des dépenses engagées en ce domaine.
"CLAUSE DE SURPROFITS"
Le ministre de l'Economie a précisé que les concessionnaires avaient accepté de mettre en oeuvre 80% des 3,2 milliards d'investissements prévus dans les trois ans qui viennent.
De même, ils verseront dans les mêmes délais 30% de leur contribution d'un milliard d'euros à l'Afitf (Agence de financement des infrastructures de transports de France) prévue sur l'ensemble de la durée des concessions, qui seront allongées en moyenne de deux ans.
S'y ajoutera un abondement de 200 millions à un fonds de financement des infrastructures de la Caisse des dépôts.
Pour éviter que les maisons mères des sociétés concessionnaires, des géants du BTP, ne raflent la mise sur les travaux engagés, les trois quarts de ceux-ci devront faire l'objet d'appel d'offres ouverts notamment à des PME.
Le nouvel accord inclut d'autre part une clause de "surprofits" prévoyant que les bénéfices enregistrés par les sociétés d'autoroutes 30% au-dessus d'un objectif cible déterminé seront reversés à l'Etat, a précisé Emmanuel Macron.
Le ministre a fait ces annonces devant l'assemblée générale de la Fédération nationale des travaux publics, dont le président Bruno Cavagné a lancé un cri d'alarme sur la situation du secteur.
Il a déclaré que le "stade de l'urgence est dépassé" et que 60.000 emplois étaient menacés d'ici 2017 si rien n'est fait, notamment de la part de l'Etat qui, selon lui, "n'assume plus ses fonctions d'aménageur et d'investisseur".
Emmanuel Macron a rappelé que son projet de loi sur la croissance et l'activité prévoyait la création d'une nouvelle autorité de régulation des transports qui couvrira le secteur autoroutier.
"Cette nouvelle autorité contrôlera année après année l'ensemble des paramètres pour éviter que les péages soient parfois excessifs comme on a pu l'observer", a dit le ministre.
La "nouvelle dynamique" de fixation des péages sera, selon lui, "beaucoup plus transparente". Et les nouvelles offres tarifaires devront prévoir une différenciation pour les véhicules propres et le covoiturage.
(avec Gilles Guillaume édité par Yves Clarisse)