La transmission de la politique monétaire à l’économie réelle est comparable à l’effet du soleil sur la peau. L’intensité des rayons se fait ressentir à partir d’un certain niveau d’indice UV | un certain niveau de taux d’intérêt (au-delà du théorique taux neutre par exemple) pour l’économie. La rougeur ou le teint hâlé s’installe à mesure de l’exposition au soleil et en fonction des protections appliquées (crème…) | en fonction de la situation initiale d’une économie, de ses caractéristiques intrinsèques (taux d’endettement des ménages et des entreprises, propension à l’utilisation des taux fixes…) et du soutien budgétaire concomitant. Les travaux académiques insistent sur l’aspect « long et variable » du délai de transmission de la politique monétaire. Théoriquement, 18 à 24 mois sont nécessaires afin d’observer l’incidence maximale des hausses de taux.
Les différentes hypothèses et les méthodes employées donnent cependant des résultats « variables » là aussi…
Près de 30 mois se sont écoulés depuis la 1ère hausse de taux de la Fed et le Symposium de Jackson Hole*, intitulé cette année : « Réévaluer l’efficacité de la transmission de la politique monétaire ». Parmi les papiers présentés, nous retiendrons les résultats obtenus par Benigno & Eggertsson. Dans un cadre théorique combinant la courbe de Beveridge** et celle de Phillips***, les auteurs illustrent la singularité du cycle macroéconomique que nous vivons depuis la pandémie et définissent un seuil de taux de chômage à ne pas dépasser (~4,4 %), au risque d’entraîner une dégradation prononcée du marché de l’emploi américain. Les investisseurs se sont quant à eux appesantis sur le discours de Jerome Powell, qui a implicitement confirmé l’imminence d’une première baisse de taux. Il est toutefois resté flou s’agissant de l’ampleur de ce mouvement, en indiquant notamment que la Fed ne tolérerait aucune dégradation supplémentaire du marché du travail. La tournure prise par les événements conforte notre scénario (inchangé depuis des mois), à savoir celui d’un ajustement de politique monétaire accompagnant la baisse de l’inflation et motivé par une moindre vigueur de l’emploi.
Difficile néanmoins de ne pas voir dans les anticipations du marché concernant le nombre de baisses de taux pour 2024 et 2025 une forme d’excès, comparable au phénomène observé début 2024…
Il est vrai que le taux de chômage a récemment augmenté. Il s’est établi à 4,3 % en juillet, soit une hausse de 0,6 % depuis le début de l’année. Assez pour faire craindre au marché la possibilité d’une récession. A cet égard, rappelons que les récessions américaines sont datées par un comité, que les critères sont multiples et qu’ils intègrent notamment la consommation des ménages. Pour poursuivre la métaphore initiée plus haut, l’économie américaine semble montrer des traces de bronzage, mais le coup de soleil n’est pas encore arrivé. Notre scénario central table toujours sur un ralentissement séquentiel de l’activité et une poursuite de la désinflation au second semestre. La reproduction des travaux de Michaillat & Saez (cf. graphique ci-contre), que nous avons plusieurs fois mis en avant dans ces colonnes, donne des résultats similaires à ceux obtenus par Benigno & Eggertsson. Le moment est donc crucial pour l’emploi américain. Rendez-vous le 6 septembre avec la publication des chiffres du mois d’août.
Plusieurs banques centrales ont baissé leurs taux avant la Fed, confirmant ainsi notre thèse d’un cycle monétaire asynchrone avancée en avril dernier. Outre les habituelles concernées, c’est finalement la Banque du Japon qui a le plus fait parler d’elle cet été. Le rehaussement de 0,15 % de son taux directeur et les craintes de récession aux Etats-Unis, ont engendré une baisse furtive des marchés d’actions. La BoJ pourrait encore, selon nous, réserver quelques surprises dans les mois à venir. Parallèlement, l’entrée en lice de Kamala Harris a diminué la probabilité d’une victoire de Donald Trump, qui dominait les sondages il y a encore peu de temps.
Le débat du 10 septembre prochain devrait permettre d’y voir un peu plus clair.
Il sera difficile de s’ennuyer durant les derniers mois de l’année…
Florent Wabont, économiste
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La Banque du Japon, celle d’Angleterre, la Fed, les chiffres de l’emploi américain, la politique, le Symposium de Jackson Hole… sont autant d’éléments qui ont rythmé la période estivale. L’occasion, en cette rentrée, de compiler nos dernières réflexions…