PARIS (Reuters) - La Ville de Paris s'apprête à engager un bras de fer avec le gouvernement sur l'ouverture des commerces le dimanche, après la remise à sa maire socialiste d'un rapport hostile à l'extension des zones touristiques et à l'ouverture des grands magasins.
Si la mairie assure que le rapport n'est pas encore finalisé et qu'une position sera adoptée en février, lors du Conseil de Paris, Anne Hidalgo a soufflé le chaud et le froid sur le sujet et ses élus ne semblent pas prêts à plier devant l'exécutif.
Le projet de loi pour la croissance et l'activité que le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, présentera la semaine prochaine en conseil des ministres prévoit d'étendre largement l'ouverture des commerces le dimanche.
Dans la version envoyée au Conseil d'Etat, il rend possible la création de nouvelles "zones touristiques internationales" par décret ministériel, qui concerne en premier lieu la capitale et sa trentaine de millions de visiteurs par an.
Cette mesure permettrait d'étendre à l'ensemble de Paris le régime dérogatoire autorisant l'ouverture des commerces tous les dimanches de l'année, dont bénéficient déjà sept secteurs dont les Champs-Elysées ou le Marais, mais pas le boulevard Haussmann et ses grands magasins.
En 2010, la Ville s'était opposée à ce que le nombre de zones soit plus élevé. Durant sa campagne victorieuse pour les municipales de mars dernier, Anne Hidalgo avait dit ne pas exclure une extension des zones touristiques, sous conditions.
Depuis, la maire a reculé, d'autant que ses alliés communistes et Verts sont hostiles à cette libéralisation. La mission d'information conduite par Bernard Gaudillère, ex-adjoint aux Finances de son prédécesseur Bertrand Delanoë, devrait lui rendre un rapport s'opposant à la création d'autres zones touristiques et à l'ouverture des grands magasins.
A la Ville de Paris, on assure toutefois que le rapport n'est "pas encore finalisé" et reflètera "les positions des groupes politiques" sans préjuger de l'avis final du Conseil, qui sera invité à se prononcer en février.
Surtout, on souligne que la loi dite Macron ne sera peut-être pas, à la fin de son examen par l'Assemblée et le Sénat, ce qu'elle est aujourd'hui et que la Ville entend peser, à travers des relais, dans le débat parlementaire.
STATU QUO SUR LES HEURES DE NUIT
Pour l'heure, le projet divise les élus, notamment au PS où s'opposent adversaires du travail le dimanche, soutenus par les Verts et le Front de gauche, et partisans appuyés par la droite et certains députés, tels le socialiste Christophe Caresche.
"Le sujet à Paris, c'est le tourisme international et je pense que c'est une erreur de se priver de cette manne", a dit le député sur France Inter.
Le document qui doit être remis le 16 décembre mais dont une version a déjà été rendue publique par des médias, dont France Inter et l'Opinion, juge les arguments économiques en faveur de l'ouverture des commerces le dimanche "discutables".
"Personne ne peut soutenir que le degré actuel d'ouverture dominicale ne répond pas aux besoins des Parisiens", y lit-on.
A ce jour, 20% des commerces, soit 15.000 enseignes, sont ouverts à Paris le dimanche et, dit le texte, "couvrent la totalité des besoins de la vie courante". Quant aux touristes, ils seraient 92% à se dire satisfaits du "shopping parisien".
Le rapport préconise donc des évolutions très limitées, fondées sur un "refus d'une généralisation du travail dominical" et une "absolue nécessité d'une régulation politique locale".
Ses auteurs refusent donc la création de nouvelles zones touristiques, jugent l'ouverture des grands magasins le dimanche "pas nécessaire" et consentent seulement à étendre la zone "Francs-Bourgeois", celle du Marais, en réclamant la fermeture de celle du Viaduc des Arts (XIIe arrondissement).
Ils concèdent en revanche que l'ouverture des commerces le dimanche dans les gares pourrait être opportune comme "facteur de vie et de sécurité" et préconisent de les assimiler, dès lors qu'elles ont une clientèle internationale, aux aéroports.
Le rapport voit encore dans le passage de cinq dimanche à la discrétion du maire à 12 un "équilibre acceptable" mais réclame le premier magistrat soit aussi décideur à Paris, où le préfet a autorité en la matière.
Enfin, les auteurs préconisent un statu quo sur les heures d'ouverture nocturne, que le projet de loi prévoit d'étendre.
(Gregory Blachier, édité par Yves Clarisse)