par Noel Randewich et Ryan Vlastelica
SAN FRANCISCO/NEW YORK (Reuters) - Wall Street se prépare à une nouvelle semaine dans le flou, les spéculations sur le moment que choisira la Réserve fédérale pour relever ses taux venant s'ajouter aux inquiétudes sur les niveaux de valorisation.
Depuis ses derniers records il y a deux semaines, le marché boursier américain se cherche une direction. Vendredi, la publication de chiffres de l'emploi meilleurs que prévu a fait baisser les indices Dow Jones et Standard & Poor's, les investisseurs en déduisant que la Fed pourrait amorcer dès avant la fin de l'été son cycle de hausse des taux.
Le Dow a cédé 0,31% et le S&P-500 0,14%, portant leurs reculs respectifs à 0,90% et 0,69% sur la semaine.
La dernière enquête de l'Association américaine des investisseurs individuels (AAII, American Association of Individual Investors) illustre bien le manque d'orientation des investisseurs. Interrogés sur leur sentiment pour les perspectives du marché à un horizon de six mois, 48% des investisseurs particuliers interrogés ont une opinion neutre, 27% ont une opinion positive et 25% une opinion négative.
La proportion d'avis positifs est inférieure à 30% depuis maintenant cinq semaines, une série sans précédent depuis 2003, alors que les avis neutres ont dépassé les 45% depuis neuf semaines maintenant, du jamais vu depuis 28 ans qu'existe l'enquête.
LES APPELS DE MARGE INQUIÈTENT
Un motif d'inquiétude est l'augmentation régulière des investisseurs qui empruntent pour acheter des actions. Les appels de marge ont atteint un montant record de 507 milliards de dollars (456 millions d'euros) à la mi-avril, selon les dernières données disponibles du New York Stock Exchange, évoluant alors de pair avec la hausse du S&P-500.
"Il y a trop de complaisance, à un niveau qui me rend nerveux", confie Leo Grohowski, directeur des investissements chez BNY Mellon Wealth Management à New York. "Les intervenants de marché ne semblent pas prêts à affronter une volatilité accrue, qui est souvent le corollaire de niveaux élevés d'appels de marge."
Des niveaux élevés de dette de marge ne signifient pas forcément qu'un courant vendeur se prépare, mais ils le rendent d'autant plus violent s'il se déclenche car les investisseurs cherchent alors à couper leurs pertes en vendant au plus vite puisque l'effet de levier joue contre eux.
"Les appels de marge sont souvent à des niveaux records quand les marchés atteignent un pic, mais c'est aussi souvent le cas dans les mois et les années qui mènent à ces pics", tempère Paul Hickey de Bespoke Investment Group.
La volatilité accrue pourrait rapidement entraîner une détérioration du sentiment de marché, qui serait alors amplifiée par le niveau des appels de marge, estiment les professionnels. Le marché est confiné dans un corridor depuis plusieurs semaines mais une sortie par le bas pourrait être brutale, avertissent-ils.
Les 280.000 créations d'emplois annoncées pour mai, un chiffre bien meilleur que prévu et qui est au plus haut depuis décembre, ont relancé la perspective de voir la Réserve fédérale relever ses taux d'intérêt en septembre.
"Le marché est drogué aux liquidités de la Fed, et ces chiffres lui donnent des munitions pour commencer à relever ses taux en septembre. Logiquement, cela devrait faire baisser le marché", reconnaît Mark Luschini, en charge des investissements chez Janney Montgomery Scott à Philadelphie.
(Véronique Tison pour le service français)