par Julien Ponthus et Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - L'impossibilité pour Manuel Valls de s'assurer d'une majorité pour voter la loi Macron sur la croissance et l'activité fait planer une menace sur la poursuite des réformes économiques, estiment analystes et responsables politiques.
Le Premier ministre a dû engager la responsabilité de son gouvernement pour faire passer cette loi symbolique de sa volonté de moderniser le pays, un message à destination des autorités européennes qui attendent des actes pour accorder un nouveau délai à la France pour réduire son déficit à 3% du PIB.
Pour certains analystes, la messe est dite, puisque l'arme nucléaire de l'article 49-3 de la Constitution -- adoption d'un texte de loi sans vote ou chute du gouvernement -- ne peut être utilisée qu'une fois par session parlementaire.
"Qu'est ce qu'on va faire passer demain comme réforme ? C'est fini, il n'y aura plus rien", tranche l'économiste Marc Touati, partisan d'une refonte radicale de l'économie française.
Pour lui, le constat d'échec sur la loi Macron, qu'il compare à une aspirine incapable de guérir un malade, met au grand jour l'incapacité de la France à sortir de l'ornière.
"Si déjà on n'arrive pas à faire passer la loi Macron alors qu'il faudrait une thérapie de choc, comment va-t-on y arriver ?", demande-t-il, redoutant une sanction à terme des marchés financiers et la défiance des partenaires européens.
Martial Foucault, directeur du Cevipof, le centre de recherches politiques de Sciences Po, reconnaît que la situation est "assez inédite", le 49-3 ayant été utilisé en raison du gouffre qui sépare les "frondeurs" du Parti socialiste de la majorité qui soutient la ligne réformiste du gouvernement.
"Habituellement, le 49-3 a toujours été utilisé face à une opposition qui faisait de l'obstruction parlementaire", fait-il remarquer, en évoquant notamment la situation du Premier ministre socialiste Michel Rocard de 1988 à 1991.
LE GOUVERNEMENT MAINTIENT
Plusieurs textes de loi risquent d'être dans le collimateur des frondeurs, au-delà de la loi Macron qui cristallise leur rejet du "social-libéralisme" et de celui qui, à leurs yeux, incarne cette ligne supposée : Manuel Valls.
Le projet de loi sur le dialogue social préparé par le ministre du Travail, François Rebsamen, après l'échec des partenaires sociaux, surtout avant le congrès du PS en juin, devrait être au centre des attentions puisqu'il prévoit une réforme de la représentation syndicale.
Le gouvernement ne pouvant plus utiliser l'article 49-3 pendant cette session parlementaire, il risque au minimum de devoir réduire la portée réformatrice de ses projets.
Il pourrait en être ainsi de l'extension des baisses de charges et d'impôts promises aux entreprises.
Mais le pessimisme est loin d'être unanimement partagé.
Pour Bruno Cavalier, chef économiste à Oddo Securities, la décision du gouvernement d'utiliser le 49.3 est rassurante pour les partenaires européens de la France puisqu'elle constitue un gage de son engagement à mettre en oeuvre le tournant engagé avec le pacte de responsabilité.
"On peut sans doute en avoir une interprétation positive en ce qui concerne le changement de priorité économique qu'il s'agit d'entretenir", estime-t-il. "La loi Macron a été le joker anti-sanctions européennes."
En outre, les ministres sont nombreux à estimer que la loi Macron, avec ses très nombreuses dispositions, offrait trop d'angles d'attaques, ce qui ne sera plus le cas à l'avenir.
VALLS SE MONTRE SEREIN
Le gouvernement veut quant à lui croire qu'il peut faire adopter avant l'été sans passer en force une loi sur le dialogue social pour pallier la défaillance des partenaires sociaux.
"Les sujets sont bien calés, on sait où sont les points de divergence", explique une source gouvernementale, pour qui les propositions controversées comme l'instance unique de représentation du personnel ou la réforme des seuils sociaux, chiffon rouge à gauche, ne seront pas l'essentiel de la loi.
Christophe Caresche, député socialiste "loyaliste", reconnaît qu'il y a "une situation de majorité fragile" mais que le gouvernement peut, sur certains textes cruciaux, convoquer des sessions extraordinaires du Parlement cet été pour utiliser si nécessaire l'article 49-3 et passer en force.
"Valls ne veut pas se laisser gagner par l'immobilisme", dit-il. "On a déjà eu des votes extrêmement limite sur un certain nombre de sujets dans le passé."
Quant aux finances publiqu
par Julien Ponthus et Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - L'impossibilité pour Manuel Valls de s'assurer d'une majorité pour voter la loi Macron sur la croissance et l'activité fait planer une menace sur la poursuite des réformes économiques, estiment analystes et responsables politiques.
Le Premier ministre a dû engager la responsabilité de son gouvernement pour faire passer cette loi symbolique de sa volonté de moderniser le pays, un message à destination des autorités européennes qui attendent des actes pour accorder un nouveau délai à la France pour réduire son déficit à 3% du PIB.
Pour certains analystes, la messe est dite, puisque l'arme nucléaire de l'article 49-3 de la Constitution -- adoption d'un texte de loi sans vote ou chute du gouvernement -- ne peut être utilisée qu'une fois par session parlementaire.
"Qu'est ce qu'on va faire passer demain comme réforme ? C'est fini, il n'y aura plus rien", tranche l'économiste Marc Touati, partisan d'une refonte radicale de l'économie française.
Pour lui, le constat d'échec sur la loi Macron, qu'il compare à une aspirine incapable de guérir un malade, met au grand jour l'incapacité de la France à sortir de l'ornière.
"Si déjà on n'arrive pas à faire passer la loi Macron alors qu'il faudrait une thérapie de choc, comment va-t-on y arriver ?", demande-t-il, redoutant une sanction à terme des marchés financiers et la défiance des partenaires européens.
Martial Foucault, directeur du Cevipof, le centre de recherches politiques de Sciences Po, reconnaît que la situation est "assez inédite", le 49-3 ayant été utilisé en raison du gouffre qui sépare les "frondeurs" du Parti socialiste de la majorité qui soutient la ligne réformiste du gouvernement.
"Habituellement, le 49-3 a toujours été utilisé face à une opposition qui faisait de l'obstruction parlementaire", fait-il remarquer, en évoquant notamment la situation du Premier ministre socialiste Michel Rocard de 1988 à 1991.
LE GOUVERNEMENT MAINTIENT
Plusieurs textes de loi risquent d'être dans le collimateur des frondeurs, au-delà de la loi Macron qui cristallise leur rejet du "social-libéralisme" et de celui qui, à leurs yeux, incarne cette ligne supposée : Manuel Valls.
Le projet de loi sur le dialogue social préparé par le ministre du Travail, François Rebsamen, après l'échec des partenaires sociaux, surtout avant le congrès du PS en juin, devrait être au centre des attentions puisqu'il prévoit une réforme de la représentation syndicale.
Le gouvernement ne pouvant plus utiliser l'article 49-3 pendant cette session parlementaire, il risque au minimum de devoir réduire la portée réformatrice de ses projets.
Il pourrait en être ainsi de l'extension des baisses de charges et d'impôts promises aux entreprises.
Mais le pessimisme est loin d'être unanimement partagé.
Pour Bruno Cavalier, chef économiste à Oddo Securities, la décision du gouvernement d'utiliser le 49.3 est rassurante pour les partenaires européens de la France puisqu'elle constitue un gage de son engagement à mettre en oeuvre le tournant engagé avec le pacte de responsabilité.
"On peut sans doute en avoir une interprétation positive en ce qui concerne le changement de priorité économique qu'il s'agit d'entretenir", estime-t-il. "La loi Macron a été le joker anti-sanctions européennes."
En outre, les ministres sont nombreux à estimer que la loi Macron, avec ses très nombreuses dispositions, offrait trop d'angles d'attaques, ce qui ne sera plus le cas à l'avenir.
VALLS SE MONTRE SEREIN
Le gouvernement veut quant à lui croire qu'il peut faire adopter avant l'été sans passer en force une loi sur le dialogue social pour pallier la défaillance des partenaires sociaux.
"Les sujets sont bien calés, on sait où sont les points de divergence", explique une source gouvernementale, pour qui les propositions controversées comme l'instance unique de représentation du personnel ou la réforme des seuils sociaux, chiffon rouge à gauche, ne seront pas l'essentiel de la loi.
Christophe Caresche, député socialiste "loyaliste", reconnaît qu'il y a "une situation de majorité fragile" mais que le gouvernement peut, sur certains textes cruciaux, convoquer des sessions extraordinaires du Parlement cet été pour utiliser si nécessaire l'article 49-3 et passer en force.
"Valls ne veut pas se laisser gagner par l'immobilisme", dit-il. "On a déjà eu des votes extrêmement limite sur un certain nombre de sujets dans le passé."
Quant aux finances publiques, l'impact négatif prévisible de la faible inflation sur le redressement budgétaire pourrait être compensé par des gels de crédits supplémentaires qui ne nécessiteraient pas de passer par un projet de loi de finances, pour lequel un "49-3" est d'ailleurs possible.
Martial Foucault refuse également de parler de paralysie.
"On va dire pendant 48 heures que le gouvernement et la majorité sont fragilisés", note-t-il. "Mais une fois passées ces 48 heures d'agitation et d'émotion, le gouvernement conservera une majorité", ajoute-t-il, en estimant que les frondeurs n'iront pas jusqu'au bout de leur logique en obligeant le gouvernement à démissionner.
"Si le gouvernement tombe, le président de la République est obligé de dissoudre l'Assemblée. C'est pour ça que je ne crois pas un instant à la possibilité que les frondeurs veulent retourner en 2015 sur le terrain d'une campagne électorale."
Une situation résumée mercredi par Manuel Valls, d'apparence très sereine lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale : "Il n'y a pas de majorité de rechange."
(Avec Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse)