PARIS (Reuters) - Le gouvernement a vivement réagi mardi à l'ultimatum du Medef, qui lui a donné trois semaines pour rétablir la version initiale du projet de loi Travail, faute de quoi il menace de se retirer des négociations sur l'assurance-chômage.
Pour l'entourage du Premier ministre, Manuel Valls, le texte en cours d'examen au Parlement est devenu "l'otage de débats internes" à l'organisation patronale.
"On avait compté sur le fait que la voix de la raison soit le centre de gravité de la position du patronat", souligne-t-on à Matignon. "Et là, en fonction d'enjeux internes, le Medef change de position en prenant en otage l'assurance-chômage. Ce n'est pas à la hauteur de la responsabilité qui est celle du patronat dans ce pays."
Le président du Medef a durci le ton au lendemain d'une réunion du conseil exécutif de l'organisation, qui s'est fait l'écho d'un rejet croissant exprimé par ses adhérents et ses fédérations au fil des modifications apportées sous la pression de la rue, des syndicats et d'une grande partie de la gauche.
"Le conseil exécutif considère que le projet de loi tel qu'il est ne donne pas aux entreprises les outils nécessaires pour retrouver le chemin du développement de l'emploi", a dit Pierre Gattaz, lors de sa conférence de presse mensuelle.
"TRÈS FORTE DÉFIANCE"
"Il existe désormais une très forte défiance de l'ensemble des chefs d'entreprise et des membres du conseil exécutif sur ce projet", a-t-il ajouté, en se référant au texte amendé par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale.
Pierre Gattaz a admis que le ton, au sein de l'instance dirigeante du Medef, avait été ferme, avec notamment des branches territoriales "très remontées".
"Le sentiment est qu'on est face à un gouvernement qui ne tient rien", souligne-t-on dans son entourage. "On ne veut pas être associé au naufrage qui arrive."
Le Medef, après avoir salué comme allant dans le bon sens la première version de ce projet de loi, avait déjà tiqué après une première série de modifications apportées par le gouvernement pour tenir compte des revendications des syndicats.
Les mesures en faveur des jeunes annoncées par Manuel Valls pour tenter d'apaiser le mouvement de protestation des étudiants et lycéens contre cette réforme du Code du travail ont accentué les réactions de rejet patronales.
Le Medef juge désormais les points négatifs plus nombreux que les points positifs.
"On voit que cette loi est devenu un outil politique au lieu d'être un outil économique", a souligné Pierre Gattaz. "Je demande donc solennellement que ce texte soit corrigé avant mi-mai, c'est-à-dire avant la fin de la discussion à l'Assemblée."
Le vote solennel sur la loi Travail est prévu le 17 mai.
Le Medef demande notamment le retrait des dispositions permettant à des salariés mandatés par des syndicats de conclure des accords sur tout sujet ouvert à la négociation collective dans les petites entreprises dépourvus de délégués syndicaux.
Il exige aussi le retrait du compte personnel d'activité censé rassembler les droits du salarié et le suivre toute sa carrière, dont le contenu a été amplifié par le gouvernement.
Il demande enfin à l'exécutif de renoncer à imposer une surtaxation des contrats de travail à durée déterminée (CDD), qui ne fait pas partie du projet de loi mais a été promise par Manuel Valls aux jeunes.
"POINT DE RUPTURE"
"J'attends du gouvernement que ce texte soit profondément corrigé pour qu'il retrouve l'ambition initiale", a résumé Pierre Gattaz.
Le conseil exécutif du Medef fera un nouveau point le 9 mai. Si d'ici là, "rien ne bouge", a ajouté Pierre Gattaz, "nous tirerons les conséquences qui s'imposeront sur l'ensemble du champ du dialogue social".
Non seulement l'organisation demandera alors officiellement le retrait du texte mais sans doute aussi, a-t-il averti, la suspension des négociations sur une nouvelle convention d'assurance-chômage, qui doivent reprendre le 28 avril.
"Nous avons atteint notre point de rupture", a-t-il dit.
Ce à quoi l'entourage de Manuel Valls réplique que le gouvernement ne se laissera dicter aucun calendrier.
"Ce n'est pas au patronat d'imposer ce timing et il faut avoir un tantinet de respect pour le débat parlementaire", dit-on. "S'ils sortent de l'assurance-chômage -- et nous ne savons pas quelle est la crédibilité de cette menace -- le gouvernement prendra ses responsabilités", ajoute-t-on.
(Emmanuel Jarry et Elizabeth Pineau, édité par Sophie Louet)