Rien ne va plus à Macao, où les revenus des casinos dégringolent, victimes de la campagne anti-corruption lancée par Pékin et de l'essoufflement de l'économie chinoise: le paradis du jeu compte désormais sur le tourisme familial de masse pour forcer la chance.
La partie est cependant loin d'être gagnée pour l'ancienne colonie portugaise, qui s'est fixée comme but de remplacer la clientèle de VIP chinois aux portefeuilles extrêmement bien garnis par le tourisme de masse, grâce aux activités nouvelles proposées par de gigantesques complexes hôteliers.
Mais les infrastructures de Macao ploient déjà sous le nombre de visiteurs. Les analystes comme les habitants se demandent comment l'ancien comptoir pourrait bien accueillir la masse de touristes nécessaires pour compenser la perte des revenus jusqu'alors apportés par la clientèle d'élite.
"Les exploitants de casinos ne doivent pas s'attendre au retour du bon vieux temps", dit Sonny Lo, spécialiste de Macao à l'Institut de l'Education de Hong Kong.
Le territoire passé sous tutelle chinoise en 1999 avait dépassé Las Vegas en 2002 pour devenir le numéro un mondial des jeux d'argent après son ouverture aux groupes étrangers, amassant en 2014 des recettes plus de sept fois supérieures.
Mais, juge Sonny Lo, les belles heures sont passées et quand bien même les touristes ordinaires se déplaceraient-ils en masse, "ils ne pourront compenser les vastes quantités d'argent dépensées dans les salons VIP".
Les revenus du jeu ont plongé de 39% en avril, en baisse pour le 11e mois consécutif, résultat de la croisade anticorruption du président chinois Xi Jinping, qui vise les dépenses somptuaires des dignitaires du régime et le blanchiment d'argent.
Pékin a souhaité sans ambages la diversification de l'économie de Macao et les exploitants de casinos se sont mis à ouvrir des complexes pharaoniques.
- 'Nouvelle normalité' -
Le centre historique de Macao est classé au patrimoine mondial de l'Unesco mais les casinotiers se semblent guère compter sur ses attraits culturels pour attirer le chaland.
Les nouveaux complexes proposent aux visiteurs services de restauration, centres commerciaux, parcs à thèmes, spectacles divers. Et de miser bien sûr.
Melco Crown va ouvrir prochainement Studio City, complexe doté de la grande roue la plus imposante d'Asie. Le Galaxy Phase 2, qui vient d'être inauguré, dispose d'un parc aquatique sur le toit.
Le complexe de Sands s'inspire lui de Paris, avec une réplique de la tour Eiffel. Il ouvrira en 2016, de même que le Wynn Palace et un nouvel hôtel-casino MGM.
"Macao évolue", explique Simon Cooper, président de l'Asie-Pacifique chez Marriott (NASDAQ:MAR) International, qui a deux hôtels dans le Galaxy Phase 2. "Nous nous attendons pleinement à ce que le consommateur consomme du loisir typique, pas seulement du jeu".
Mais pour l'attirer, il faut avoir des idées, ajoute-t-il. "Il ne suffit pas d'ouvrir 4.000 chambres d'hôtel et deux restaurants. Les promoteurs doivent construire des aimants dont les gens entendent parler et se disent: +je veux y aller+"
Le vice-président du groupe Galaxy Entertainment Francis Lui souligne que le Phase 2 ne compte que deux salons VIP. "Nous espérons faire plus de chiffre avec la classe moyenne, c'est ça la nouvelle normalité".
Celia Liu, une étudiante de Shenzhen de 22 ans, pense que cette transformation est une bonne chose. Les enfants sont interdits de casino, souligne-t-elle. "Si on propose d'autres choses pour les familles (...) ça sera très bien".
Mais ces projets pourraient se heurter à la réalité des chiffres, soulignent les analystes.
Macao et ses 636.000 habitants accueillent déjà 31,5 millions de visiteurs annuels, dont les deux tiers viennent de Chine continentale.
"C'est une petite ville et tôt ou tard, on atteindra les limites du marché", dit l'éditeur de médias économiques Paulo Azevedo. "Les dépenses publiques d'infrastructures sont à la traîne. Si la ville n'est pas prête à accueillir davantage de visiteurs, alors le marché de masse ne pourra se développer".
Le gouvernement local a proposé de limiter à 21 millions le nombre annuel de visiteurs chinois, ce qui ne fait pas les affaires des exploitants.
Les habitants se plaignent déjà d'être envahis par les touristes.
"On ne peut plus acheter de produits de consommation courante" car les commerces traditionnels ont été remplacés par les magasins à touristes, dit Vong Kam-koc, restaurateur de 48 ans. "Il est impossible de prendre le bus ou le taxi".
Autre difficulté, de plus en plus de Chinois veulent aller voir plus loin et "fuient Hong Kong et Macao à la recherche d'expériences nouvelles", dit la maison de courtage CLSA.