Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté vendredi dans de nombreuses villes d'Italie contre les réformes économiques et sociales de Matteo Renzi, dans le cadre d'une grève générale organisée par deux importantes confédérations syndicales.
Selon des sources syndicales, il y avait 50.000 manifestants à Milan, 70.000 à Turin, 40.000 à Rome, 50.000 à Naples, 15.000 à Palerme, et une cinquantaine de manifestations au total devaient se dérouler dans la journée. Les forces de l'ordre italiennes ne donnent pour leur part jamais d'estimation.
A Rome, les manifestants ont fait voler de nombreux ballons représentant M. Renzi avec un grand nez de Pinocchio, mais le rassemblement était déjà fini à la mi-journée.
La grève a été lancée à l'appel de la CGIL (gauche), la principale confédération syndicale italienne, et de la UIL (modérée), la troisième plus importante du pays. Une autre confédération, l'UGL (droite), plus petite, est venue se joindre au mouvement.
La CISL (catholique), deuxième confédération plus importante en Italie, ne s'est en revanche pas associée au mouvement, le jugeant contre-productive et plaidant plutôt pour "un grand pacte social".
De nombreux secteurs du public et du privé ont été touchés par cette grève, essentiellement les transports.
Des centaines de vols ont dû être annulés ou reprogrammés, tandis que les transports en commun ont surtout assuré le service minimum garanti par la loi aux heures de pointe.
Selon les syndicats, la moitié des trains et des avions et 70% des bus et métro sont restés à l'arrêt en moyenne à l'échelle nationale. Mais la compagnie ferroviaire Trenitalia a assuré que tous ses trains à grande vitesse circulaient normalement.
La principale cible de la colère syndicale reste le "Jobs Act", la réforme du marché du travail voulue par M. Renzi pour encourager les embauches. La loi prévoit de faciliter les licenciements et de réduire les droits et protections des salariés dans leurs premières années de contrat.
Mais le texte a été définitivement adopté par le Parlement la semaine dernière et la protestation est donc désormais essentiellement symbolique.
Les syndicats dénoncent aussi le projet de budget 2015, jugeant ses mesures de relance de l'économie insuffisantes.
- Tension Renzi/syndicats -
Depuis son accession au pouvoir en février, Matteo Renzi entretient des relations tendues avec les syndicats dont il a réduit le poids en éliminant la concertation et le marchandage que ces derniers ont imposé pendant des décennies à tous les gouvernements sur de nombreux sujets.
"Le gouvernement commet une erreur en éliminant la discussion et la participation" des syndicats à l'élaboration des lois dans certains domaines, a affirmé vendredi Susanna Camusso, secrétaire générale de la CGIL.
"Le gouvernement doit choisir entre le conflit et le dialogue", a-t-elle insisté.
"Aujourd'hui nous arrêtons l'Italie pour la faire repartir dans la bonne direction", a renchéri le leader de l'UIL, Carmelo Barbagallo.
Les appels à la grève générale sont fréquents en Italie. La dernière grève générale unitaire remonte à décembre 2013, mais elle n'avait duré que trois heures.
"La grève générale est un moment de protestation d'une grande importance. Nous avons beaucoup de respect à son égard, même si je ne partage pas ses motivations. Bon travail à qui travaillera et bonne chance à qui fera la grève", avait déclaré jeudi M. Renzi.
Le ton semble s'être adouci: fin octobre, alors qu'une manifestation contre le Jobs Act réunissait des centaines de milliers de personnes à Rome, il avait déclaré que "l'époque où une manifestation pouvait bloquer le gouvernement et le pays (était) révolue".
S'il a dû batailler ferme pour faire adopter la réforme du marché du travail, en posant deux fois la question de confiance au Sénat, M. Renzi a vu ses efforts salués par de nombreux dirigeants européens, qui considèrent la réforme comme un pas dans la bonne direction.
Il doit encore faire adopter le budget avant la fin de l'année, et le début de 2015 s'annonce plus difficile avec l'adoption prévue de réformes institutionnelles délicates, comme la suppression du Sénat et une nouvelle loi électorale.