La polémique ressurgit autour des "retraites chapeau" des dirigeants d'entreprises et c'est le PDG de GDF Suez (PARIS:GSZ) qui est cette fois visé par les syndicats du groupe d'énergie, et mis sous pression par le ministre de l'Economie, qui s'est dit choqué.
La question de la retraite dont bénéficiera Gérard Mestrallet à la fin de son mandat en mai 2016 a été soulevée par la CGT après la nomination mardi d'une nouvelle numéro 2, Isabelle Kocher, favorite à la succession du PDG.
Selon le document de référence 2013 du groupe, Gérard Mestrallet percevra après son départ de la présidence de GDF Suez, 831.641 euros au titre de sa retraite complémentaire (des régimes collectifs Arrco-Agrirc).
Les hauts dirigeants de quelques grandes entreprises françaises ont également droit à une "retraite chapeau" s'ils achèvent leur carrière dans l'entreprise. Son versement est étalé pendant toute la durée de la retraite du bénéficiaire.
Pour l'ensemble des membres du comité exécutif (27 en 2013), la provision globale passée par le groupe pour couvrir ces versements s'élève à 103 millions d'euros, mais le groupe ne détaille pas le montant des provisions pour chaque dirigeant.
Le Canard Enchaîné, dans son édition de mercredi, a évoqué le montant de 21 millions d'euros rien que pour Gérard Mestrallet, faisant réagir jeudi le syndicat CGT du groupe.
Il a demandé "des éclaircissements sur le montant des retraites chapeau", mettant en avant le plan de réduction de coûts "Perform 2015" de 4,5 milliards d'euros annoncé par le groupe fin 2012.
Alors que "beaucoup de salariés" du groupe "vivent avec des salaires au niveau du Smic", "ils voient leur patron s'octroyer des modalités de retraite hors de l'entendement", a dénoncé la CGT.
Ce vendredi sur Europe 1, le secrétaire national du syndicat, Thierry Lepaon a lui demandé à l'Etat, qui détient toujours un tiers du capital du groupe, d'intervenir sur ce dossier.
La réponse du gouvernement est d'abord venue du ministre des Finances, Michel Sapin, qui s'est dit "attentif" aux rémunérations des dirigeants d'entreprises, estimant que certains "parfois prennent leurs aises".
"Le niveau prévu pour la retraite choque, je le comprends", a affirmé un peu plus tard le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, en souhaitant que M. Mestrallet "en tire toutes les conclusions".
L'Etat a certes approuvé, par la voix de ses administrateurs auprès de GDF Suez, l'ensemble de la rémunération et la retraite de Gérard Mestrallet, mais M. Macron a rappelé que c'était "sur instruction du précédent gouvernement et que "dans ce cas particulier, nous n'aurions pas voté une telle retraite".
Ces dispositions ont "été validées par les assemblées générales d'actionnaires de 2009 et 2012 à 99,55%", et "visées par le conseil d'administration" a fait valoir GDF Suez vendredi dans un communiqué, démentant au passage le montant de 21 millions d'euros.
Le groupe a également décidé de saisir le Haut comité du gouvernement d'entreprise, instance émanant du patronat, "afin de recueillir son avis sur la conformité du régime de retraite de Gérard Mestrallet au regard des règles du code Afep-Medef", a-t-il annoncé vendredi soir dans un communiqué.
- Le choix de l'auto-régulation -
Selon ce code, durci en 2013, le montant annuel des retraites chapeau ne peut dépasser 45% de la rémunération de référence.
Mais ce code Afep-Medef laisse aux entreprises une grande marge de manoeuvre pour évaluer cette rémunération de référence, même s'il a imposé depuis cette année le vote en assemblée générale des rémunérations des dirigeants.
La limitation des rémunérations se heurte également à la concurrence mondiale à laquelle sont confrontés de nombreux grands groupes français, comme GDF Suez, géant mondial de l'énergie, pour attirer les compétences.
Dès jeudi, Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie a annoncé vouloir durcir ce contrôle de la bonne gouvernance des entreprises tout en conservant le principe d'une régulation par elles-mêmes plutôt que par la loi.
Car la polémique ressurgit régulièrement, comme à l'automne 2013, lorsque le PDG de PSA de l'époque, Philippe Varin, avait dû renoncer à sa retraite chapeau de 21 millions d'euros alors que le groupe se trouvait dans une situation financière difficile, obligé de geler les salaires et de demander une garantie de 7 milliards d'euros à l'Etat pour sa filiale Banque PSA Finance.