par Leigh Thomas et John Irish
PARIS (Reuters) - Les banques multilatérales de développement vont accroître leur capacité de financement de 200 milliards de dollars dans les dix années à venir pour soutenir les pays pauvres, ont annoncé vendredi les dirigeants mondiaux réunis pour le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial organisé à Paris.
Le sommet, qui réunit depuis jeudi plus de 40 dirigeants internationaux dans la capitale française, a mis en avant le retard pris par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) pour relever les défis soulevés par le changement climatique et le lourd endettement des pays pauvres après la crise du COVID-19.
"Nous prévoyons une augmentation globale de 200 milliards de dollars de la capacité de prêt des banques multilatérales de développement au cours des dix prochaines années en optimisant leurs bilans et en prenant plus de risques", est-il indiqué dans un communiqué final obtenu par Reuters.
"Si ces réformes sont mises en oeuvre, les banques multilatérales de développement pourraient avoir besoin de plus de capitaux", ajoute le texte, suggérant que les pays riches pourraient avoir à injecter davantage de liquidités.
Le sommet de Paris, organisé par le président français Emmanuel Macron, a rassemblé une vingtaine de dirigeants africains, le Premier ministre chinois, Li Qiang, et le président brésilien Lula afin de trouver des solutions sur des sujets allant de l'allègement de la dette au financement pour le climat.
"Notre objectif est clair : un monde où la pauvreté est éliminée et la planète préservée ; un monde où les pays vulnérables sont mieux équipés pour faire face aux crises liées au changement climatique et aux conflits", affirment les dirigeants dans le communiqué.
RÉALLOCATION VERS LES PAYS PAUVRES
Autre annonce du sommet, un accord pour réallouer 100 milliards de dollars de droits de tirages spéciaux ("Special Drawing Rights") du FMI - un instrument monétaire destiné à compléter les réserves officielles des Etats - vers les pays pauvres, en particulier africains.
Sur ces 100 milliards, "61 milliards sont auprès du FMI et le travail va se poursuivre dans les prochains mois pour que les 39 milliards restants, pour lesquels des engagements ont été pris, arrivent dans les caisses", a précisé vendredi Emmanuel Macron.
Le président de la République avait indiqué plus tôt que la France allait réallouer 40% de ses droits de tirages spéciaux.
Autre avancée, mais qualifiée de "pas satisfaisante" par Emmanuel Macron lui-même, l'objectif de 100 milliards de dollars de financement pour le climat qui a de "fortes chances" d'être atteint cette année, d'après le communiqué.
Cet engagement, pris dans le cadre de l'Accord de Paris sur le climat, est considéré comme insuffisant pour véritablement aider les pays pauvres.
"Là-dessus, nous avons été beaucoup plus lents, beaucoup moins efficaces que pour la réallocation des droits de tirage spéciaux et nous actons tous que nous demandons un suivi beaucoup plus étroit et opérationnel de ces 100 milliards de financement climat", a admis Emmanuel Macron.
TOUJOURS DES DIVERGENCES
Le communiqué du sommet demande par ailleurs à ce que chaque dollar de prêt accordé par les banques de développement soit accompagné d'au moins un dollar de financement privé, ce qui, selon les analystes, devrait aider les institutions internationales à mobiliser 100 milliards de dollars supplémentaires d'argent privé chaque année dans les économies en développement.
Les annonces du sommet de Paris mettent ainsi en avant l'intensification du rôle des banques de développement dans la lutte contre le changement climatique, une mesure critiquée par certains militants écologistes.
"Si la feuille de route du sommet de Paris reconnaît l'urgence de ressources financières substantielles pour soutenir l'action climatique, elle s'appuie trop fortement sur les investissements privés et attribue un rôle démesuré aux banques multilatérales de développement", estime Harjeet Singh, responsable de la stratégie politique mondiale au sein du Réseau Action Climat International.
Des divergences subsistent également autour de l'absorption des pertes sur la dette des pays émergents. La Chine - principal pays créancier de plusieurs pays africains - fait pression pour que des bailleurs de fonds comme la Banque mondiale ou le FMI absorbent une partie de ces pertes, ce à quoi les institutions et les pays occidentaux s'opposent.
"La Chine est prête à participer aux efforts d'allègement de la dette de manière efficace, réaliste et globale, dans le respect du principe de partage équitable du fardeau", a déclaré vendredi Li Qiang.
Lors du sommet, les Etats-Unis et la Chine, longtemps en désaccord sur la manière d'aborder la restructuration de la dette des pays pauvres, ont toutefois adopté un ton plus conciliant. Jeudi, un accord a été conclu pour restructurer 6,3 milliards de dollars de dette de la Zambie, endettée principalement auprès de Pékin.
"En tant que les deux plus grandes économies du monde, nous avons la responsabilité de travailler ensemble sur les questions mondiales", a déclaré la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen également présente à Paris.
(Reportage par John Irish et Leigh Thomas, rédigé par Zhifan Liu et Blandine Hénault, édité par Nicolas Delame)