Des tablettes, un décodeur télé et maintenant un smartphone, des services de vidéo et de musique en ligne... L'insatiable soif de nouvelles activités d'Amazon a un prix: une lourde perte annoncée jeudi et apparemment partie pour durer.
Le géant américain de la distribution en ligne a accusé une perte nette de 126 millions de dollars au deuxième trimestre, correspondant à une perte par action de 27 cents quand les analystes espéraient qu'elle se limite à 15 cents.
Le troisième trimestre ne s'annonce guère mieux, puisque le groupe prévient que sa perte d'exploitation, qui atteignait déjà 15 millions de dollars ce trimestre, va se creuser pour atteindre 410 à 810 millions de dollars sur les trois mois entamés début juillet.
La sanction a été immédiate à Wall Street, où le titre Amazon (NASDAQ:AMZN) s'effondrait de 10,23% à 321,91 dollars vers 22H45 GMT dans les échanges électroniques suivant la clôture.
Le marché a jusqu'ici été patient, acceptant au fil des trimestres des bénéfices très faibles, voire pas de bénéfices du tout, car il sait que le groupe réinvestit constamment pour étendre son activité.
Mais cette patience semble commencer à s'épuiser: le cours de Bourse, qui avait atteint en janvier un record historique en clôture à 407,05 dollars, a depuis reperdu 12%.
"Wall Street est difficile à contenter", indique à l'AFP Virginia Morris, une analyste du cabinet de conseil en marketing Daymon Worldwide.
Pour elle, les pertes ne doivent pas inquiéter car elles font "partie d'une stratégie plus large d'Amazon" consistant à multiplier les points de connexion avec les consommateurs. "Il s'agit de tout faire pour tous les consommateurs, et la rentabilité finira par venir".
En attendant, à vouloir être présent partout, Amazon dépense l'argent plus vite qu'il ne le gagne.
Son chiffre d'affaires a augmenté de 23% à 19,34 milliards de dollars au deuxième trimestre, conformément aux attentes du marché.
Mais ses dépenses d'exploitation ont crû encore plus vite, de 24% à 18,9 milliards, celles consacrées à des "technologies et contenus" explosant même de 40% à 2,2 milliards.
Amazon est traditionnellement peu disert sur les performances individuelles de ses activités.
Le directeur financier, Tom Szkutak, a toutefois évoqué lors d'une téléconférence avec des analystes des investissements en infrastructures et en personnel dans la branche de services pour les entreprises AWS (un acteur majeur sur le marché de l'hébergement en ligne), et fait référence sans citer d'exemple aux nouveautés annoncées récemment.
- Incursion risquée dans les smartphones -
Déjà présent depuis quelques années dans les liseuses et les tablettes, Amazon vient de présenter deux nouveaux appareils, un boîtier-décodeur pour regarder des vidéos en ligne sur un téléviseur lancé début avril, et un smartphone qui sort vendredi aux Etats-Unis.
M. Szkutak a reconnu que ce téléphone pourrait constituer un bon point d'entrée dans l'écosystème Amazon, soulignant qu'il était "très intégré à nos différents services" de vidéo, de jeux ou de musique, et pouvait aussi servir à faire des achats.
Amazon aura du mal à s'imposer sur un marché déjà "très encombré", où Apple (NASDAQ:AAPL) et Samsung (KS:005930) sont bien implantés, mais c'est "un outil pour comprendre l'environnement" et "adapter leurs services", estime Virginia Morris.
Un marché qu'en revanche Amazon connaît bien, c'est celui des livres, où il a fait parler de lui ces derniers mois avec une passe d'armes commerciale avec l'éditeur Hachette, et où il vient de lancer aux Etats-Unis un nouveau service sur abonnement pour emprunter des e-books de manière illimitée.
D'après la banque Jefferies, le groupe, qui a déjà joué un rôle majeur dans la croissance du marché des livres électroniques, chamboule ainsi un peu plus le modèle d'activité des éditeurs.
C'est peut-être aussi un test pour voir si Amazon a intérêt à découpler les différentes offres de son service Prime, qui donne accès à des livraisons gratuites mais aussi à un catalogue croissant de contenus numériques (livres mais aussi vidéo et depuis peu musique).
Prime est considéré comme un vecteur majeur de croissance, avec un nombre d'utilisateurs qui pourrait passer de 32 millions aujourd'hui à 100 millions d'ici 2020, selon la Deutsche Bank.