Quelques milliers de chefs d'entreprises et salariés des travaux publics ont manifesté mardi partout en France à l'appel du syndicat patronal FNTP pour interpeller les pouvoirs publics sur la chute des commandes des collectivités locales qui fait craindre au secteur des pertes d'emplois massives.
"Nous vivons une crise sans précédent depuis sept ans, nous avons perdu 30.000 emplois et si rien n'est fait, nous risquons d'en perdre 60.000 d'ici 2017", a prévenu Bruno Cavagné, le président de la fédération nationale des travaux publics (FNTP).
M. Cavagné ainsi que plusieurs centaines d'employés et entrepreneurs du secteur (2.000 selon les organisateurs), mais aussi des élus locaux, manifestaient place du président Edouard-Herriot, à Paris, près de l'Assemblée nationale, afin d'interpeller les députés qui commençaient à discuter mardi du projet de loi de finances 2015.
Ils souhaitent notamment que soient votés deux amendements qui permettraient de soutenir financièrement ce secteur victime du régime sec imposé par l'Etat aux collectivités territoriales, qui réduisent fortement leurs investissements en conséquence.
Le premier amendement permettrait aux collectivités locales qui augmentent leurs investissements d'être remboursées de la TVA l'année même où elles font leurs travaux, et non avec un décalage d'un ou deux ans comme à l'heure actuelle.
Le deuxième concerne la hausse de 2 centimes de la taxe sur le diesel prônée par le gouvernement pour financer les infrastructures de transport, que la FNTP souhaite voir votée et pérennisée.
Vêtus de gilets orange et de casques de chantiers, les manifestants tentaient d'attirer l'attention des députés avec des coups de sifflets et des panneaux arborant des slogans comme "Non à la France des fuites d'eau" ou "Non à la France des nids de poule".
Plusieurs députés, notamment de l'opposition, se sont arrêtés quelques minutes pour discuter avec les manifestants et leur promettre leur soutien.
Carole Delga, secrétaire d'Etat au Commerce et à l'Artisanat, a assuré que le gouvernement était mobilisé et ne minimisait pas leur situation.
"Nous travaillons à la mise en place d'un dispositif pour financer les infrastructures", a-t-elle indiqué, ajoutant qu'il y aurait bien un volet investissement fort dans les contrats de projet Etat-Régions.
La FNTP s'était inquiétée la semaine dernière du report sine die de l'écotaxe, dont le produit devait financer des infrastructures de transport, et avait réclamé une compensation.
Le ministre du Travail, François Rebsamen, devait par ailleurs recevoir une délégation de la fédération vers 17H00.
Ailleurs en France, les manifestants se sont rassemblés devant les préfectures: environ 650 personnes à Orléans, 400 à Lille et à Tours, entre 400 et 800 à Strasbourg, entre 400 et 500 à Bourges près d'un millier à Bordeaux.
"Notre inquiétude c'est la baisse des travaux, on demande la relance de l'investissement public", a réclamé Raymond Midali, président des Canalisateurs du sud-est qui manifestait à Lyon avec quelque 650 personnes.
En Alsace, où le secteur affirme avoir perdu 800 emplois depuis le début de l'année, une délégation a été reçue en préfecture et a remis une série de propositions.
Le FNTP dit représenter 8.000 entreprises employant 280.000 salariés dans toute la France.
"Les travaux publics ne vont sans doute pas mourir demain, mais de nombreux salariés vont perdre leur emploi", a regretté un chef d'entreprise qui défilait dans les rues d'Orléans.
"Nos enquêtes montrent un risque de perte de 3.000 emplois sur 17.000 dans le Nord-Pas-de-Calais", s'est inquiété Bruno Petrucci, vice-président de la FRTP à Lille où les manifestants ont symboliquement déposé leurs casques blancs à terre devant la préfecture, tout comme à Bourges.
"Tous les voyants sont au rouge pour 2015 après déjà plusieurs mois d'érosion lente de l'activité", s’est alarmé Jean-Claude Brossier, vice-président de la fédération pour la région Centre, ajoutant que "70% de notre chiffre d'affaires dépendent de la commande publique".
A Bordeaux, le président de la fédération Aquitaine, Christian Surget, a déploré de son côté la "non-lisibilité pour chacun" qui crée une situation ubuesque où des collectivités qui pourtant "disent qu'elle sont prêtes à investir, ont pour certaines une marge de manœuvre" mais ne passent pas commande faute de certitudes.