L'activité manufacturière en Chine s'est violemment contractée en août, donnant une nouvelle preuve de l'essoufflement de son économie, ce qui alimentait mardi les craintes sur la croissance mondiale et la grande nervosité des marchés.
L'activité manufacturière en Chine est le pilier traditionnel de sa croissance, et deux indicateurs, l'indice PMI des directeurs d'achats du Bureau national des statistiques (BNS) et celui du cabinet Markit, ont montré qu'elle était clairement en repli.
Ces chiffres viennent alimenter les craintes pour la croissance mondiale et donnent des sueurs froides aux marchés financiers, effrayés à l'idée que ce moteur de l'économie cale.
La directrice générale du FMI Christine Lagarde a prévenu mardi à Jakarta que la croissance mondiale 2015 serait "probablement plus faible" que les 3,3% prévus par le Fonds.
Les places financières, qui ont connu un mois d'août difficile à cause justement des craintes sur la Chine, ont été tirées vers le bas par les chiffres chinois.
Tokyo a clôturé en repli de quasiment 4%, tandis que Paris, Francfort ou Londres baissaient de près de 3% vers 14H30 GMT et Wall Street cédait près de 2%.
Les indicateurs chinois nourrissent "les craintes que malgré les interventions de la banque centrale chinoise (PBOC), il n'y ait pas grand-chose à faire pour éradiquer la tendance négative", note John Plassard, chez Mirabaud Securities, basé en Suisse.
"Après les turbulences boursières chinoises du mois d'août, c'est un nouvel élément qui incite à la prudence les investisseurs" observe Christopher Dembik, économiste chez Saxo Banque, basé à Paris.
- Recul des commandes -
Dans le détail, rien n'invitait à l'optimisme: "La contraction de l'activité s'explique par le recul de la production, et par celui des nouvelles commandes... qui ont diminué pour le deuxième mois d'affilée", résumaient des experts de la banque Nomura.
Les carnets de commandes se vident, "ce qui a entraîné en août une nouvelle réduction de la production, d'une ampleur plus vue depuis quatre ans", renchérissaient les experts du cabinet Caixin Insight.
Parallèlement, les entreprises manufacturières "ont sabré dans leurs effectifs pour le 22e mois consécutif, et le rythme de suppression des emplois s'est accéléré", ont-ils noté.
La croissance économique chinoise s'est stabilisée à 7% au deuxième trimestre, mais depuis le tableau n'a cessé de s'assombrir.
Les exportations du pays se sont effondrées de quelque 8% sur un an en juillet, tandis que la production industrielle enregistrait un violent ralentissement. La consommation reste terne, et la récente débâcle boursière contribue à plomber le moral des ménages.
"La croissance du PIB pourrait bien tomber sous 6,5% au troisième trimestre", estimaient les experts de la banque ANZ. Très en-deçà de l'objectif annuel de 7% que s'est fixé Pékin, ce qui représenterait déjà un plus bas depuis un quart de siècle.
"La récente volatilité des marchés financiers pourrait peser sur l'économie réelle, et on pourrait voir des prévisions très pessimistes devenir auto-réalisatrices", prévenait de son côté He Fan, économiste de Caixin Insight.
- Relance budgétaire?-
Pour autant, "la faiblesse de l'activité manufacturière reflète des facteurs temporaires, comme les restrictions imposées avant le défilé militaire à Pékin", tempérait Julian Evans-Pritchard, du cabinet Capital Economics.
Les autorités ont ainsi mis à l'arrêt dès mi-août de nombreuses usines à Pékin et dans ses environs pour garantir un ciel bleu sans pollution avant une vaste parade militaire programmée le 3 septembre pour commémorer la défaite du Japon en 1945.
Le BNS a reconnu que les "mesures de contrôle de la pollution" à Pékin, Tianjin et dans la province du Hebei avaient pénalisé le PMI.
De l'avis général cependant, après une nouvelle baisse des taux d'intérêt de la PBOC la semaine dernière, le gouvernement est condamné à agir davantage.
La PBOC a injecté plusieurs centaines de milliards de yuans de liquidités fraîches dans le système financier ces deux dernières semaines via des opérations de marché régulières.
"Mais tout cela restera insuffisant à doper la croissance à moyen terme. Il faudra des mesures actives de relance budgétaire pour soutenir la demande", estimait-on chez ANZ -- ce qui pourrait se traduire par des rabais fiscaux et des dépenses publiques accrues.
"Nous pensons que la politique budgétaire jouera un rôle-clef", le gouvernement s'étant lui-même engagé à "accélérer sur la construction de projets d'infrastructures majeurs", abondait Yang Zhao, analyste de Nomura.