par Nidal al-Mughrabi et Dan Williams
GAZA/JÉRUSALEM (Reuters) - Les Palestiniens piégés à l'intérieur du plus grand hôpital de Gaza ont dit mardi creuser une fosse commune pour enterrer les corps de dizaines de patients qui sont morts depuis le début du siège israélien, tout en démentant tout projet d'évacuation des bébés du service de néonatalogie.
Israël a proposé d'envoyer des couveuses portables pour permettre le transfert de 36 bébés prématurés de l'hôpital Al Chifa, dont la vie ne tient qu'à un fil depuis que l'électricité a été coupée, mais le porte-parole du ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, a déclaré à Reuters qu'aucun plan d'évacuation sécurisée n'avait été convenu.
"Nous n'avons aucune objection à ce que les bébés soient transférés vers un hôpital, en Egypte, en Cisjordanie ou même dans des hôpitaux de l'occupation (israélienne)", a assuré Achraf al Qidra, qui est à l'intérieur de l'établissement.
Contacté par téléphone, le porte-parole a affirmé que les chars postés à l'entrée de l'hôpital, les tireurs d'élite et les drones faisaient peser une menace constante sur les personnes qui sont à l'intérieur. "Même les médecins prennent des risques lorsqu'ils doivent soigner des patients", a-t-il dit.
Israël, qui est convaincu qu'un centre de commandement du Hamas est dissimulé dans des tunnels creusés sous l'hôpital Al Chifa - ce que le groupe islamiste nie - a appelé à maintes reprises à une évacuation de l'établissement, et assure ne pas empêcher le passage des civils.
Le personnel hospitalier rétorque que certains patients ne sont pas en état d'être déplacés et que les réfugiés ont peur d'être pris au milieu des combats qui font rage à proximité.
Selon le Hamas, quelque 650 patients et des milliers de civils qui y ont cherché refuge sont encore à l'intérieur de l'hôpital Al Chifa.
CORPS EN DÉCOMPOSITION
Les cadavres d'une centaine de personnes s'y empilent aussi et faute de pouvoir les faire sortir pour les inhumer, la décision a été prise de creuser une fosse commune, a déclaré Achraf al Qidra.
"Nous prévoyons de les enterrer aujourd'hui dans une fosse commune à l'intérieur de l'hôpital. Cela va être très dangereux car nous n'avons aucune protection de la part du CICR (Comité international de la Croix-Rouge), mais nous n'avons pas le choix. Les cadavres ont commencé à se décomposer", a-t-il déclaré.
Le docteur El Mokhallalati a aussi souligné l'urgence de trouver une solution pour les corps en décomposition, la chambre froide n'étant plus en état de fonctionnement.
"Nous savons qu'il y a un risque élevé de transmission de maladies infectieuses. Aujourd'hui, il y a eu un peu de pluie (...) C'était vraiment intenable, on ne pouvait pas ouvrir les fenêtres ni même se déplacer dans les couloirs à cause de l'odeur (...)"
Il a ajouté que faute d'électricité et donc d'oxygène, les médecins devaient opérer sans anesthésie générale.
Devant la situation humanitaire dramatique dans la bande de Gaza, les appels à un cessez-le-feu se multiplient. Sans aller jusque là, le président américain Joe Biden a dit lundi espérer une "pause" dans les combats et attendre d'Israël une "action moins intrusive" dans les hôpitaux. "Les hôpitaux doivent être protégés", a-t-il insisté.
Israël se défend en accusant le Hamas d'utiliser les civils comme boucliers humains, ce que nie le groupe islamiste.
A l'appui de ses accusations, l'armée israélienne a diffusé une vidéo et des photos de ce qu'elle a présenté comme des armes stockées par le Hamas au sous-sol d'un autre hôpital, celui de Rantissi, spécialisé dans le traitement du cancer chez les enfants. Le Hamas a dénoncé une mise en scène.
La branche armée du groupe islamiste s'est pour sa part dite prête à libérer jusqu'à 70 femmes et enfants détenus à Gaza en échange d'un cessez-le-feu de cinq jours.
(Reportage de Nidal al-Mughrabi à Gaza, Dan Williams à Jérusalem et des bureaux de Reuters ; version française Tangi Salaün, édité par Kate Entringer)