L'une des figures du secteur du jeu vidéo, Satoru Iwata, PDG depuis 13 ans du groupe japonais Nintendo, est décédé ce week-end, au moment où la maison-mère de Mario amorce un nouveau tournant stratégique.
M. Iwata s'est éteint à l'âge de 55 ans, victime d'un cancer, a annoncé l'entreprise dans un bref communiqué.
"Je l'avais pourtant vu en forme la semaine passée, c'était un excellent dirigeant", a réagi sur internet Junichi Masuda, compositeur et directeur de création de jeux Pokemon.
Celui qui était considéré comme un développeur de génie avait rejoint Nintendo en 2000 et dirigeait le groupe depuis 2002, une ascension fulgurante exceptionnelle dans une entreprise nippone.
Il avait donné un nouvel élan à la maison centenaire avec des consoles aussi emblématiques que les gammes DS (portables) et Wii (modèles de salon).
"C'est lui qui a élargi la population de joueurs, avec les femmes et les personnes âgées", rappelle le quotidien Nikkei sur son site internet.
Le titre a pris 1,48% à 19.805 yens après s'être envolé de plus de 4% à l'ouverture après l'annonce du décès.
En attendant la désignation d'un successeur, deux personnes représenteront la direction du groupe, Shigeru Miyamoto (célèbre créateur de jeux et personnages), et Genyo Takeda, un des actuels dirigeants de Nintendo.
M. Iwata était tombé malade il y a plus d'un an et avait subi une intervention chirurgicale qui l'avait notamment empêché de participer l'année dernière à l'assemblée générale des actionnaires.
Il était revenu amaigri mais avait repris ses fonctions, tenant des conférences de presse avec son enthousiasme habituel.
Le décès de M. Iwata intervient moins de deux ans après celui de son prédécesseur, Hiroshi Yamauchi, l'un des pères japonais du jeu vidéo. M. Yamauchi avait succombé à une pneumonie en septembre 2013 à l'âge de 85 ans.
A la tête du groupe de Kyoto (ouest) pendant plus d'un demi-siècle (de 1949 à 2002), ce patriarche avait pris l'initiative qui a permis à Nintendo de devenir dans les années 1980 un pionnier du jeu vidéo, une industrie naissante qui a métamorphosé l'entreprise spécialiste des cartes à jouer.
- Disparition en pleine transition -
Satoru Iwata avait par la suite dopé cette activité et le chiffre d'affaires de Nintendo avait plus que triplé entre 2002/03 et 2008/09.
Mais M. Iwata était perçu ensuite comme voulant trop cantonner les activités de Nintendo aux consoles et jeux dédiés.
Le chiffre d'affaires était retombé en 2014/15 au niveau de celui de 2002/03 et les difficultés rencontrées par le groupe du fait de la concurrence des autres divertissements numériques ont poussé son patron à évoluer.
Il avait ainsi consenti récemment à engager Nintendo dans un partenariat avec la société japonaise DeNA afin de développer des applications pour les mobiles, tout en insistant sur le fait qu'il n'était pas question de proposer pour ces appareils les mêmes jeux que pour consoles.
Le but de cette entente est en fait d'exploiter tout ou partie des célèbres personnages de Nintendo, Mario, Pikachu et d'autres encore, dans des applications, ainsi que de gérer en commun un service d'utilisateurs et un programme de fidélité.
L'action du pionnier japonais des jeux vidéo s'était envolée de 21% au lendemain de l'annonce de ces développements.
La disparition soudaine de M. Iwata survient alors que cette nouvelle stratégie, perçue comme très prometteuse par les analystes et investisseurs, n'a pas encore concrètement été mise en oeuvre.
"J'ai peur que l'équilibre de l'entreprise soit rompu sans M. Iwata", a estimé Satoshi Tanaka, analyste de Daiwa Securities.
Et des projets, M. Iwata en nourrissait bien d'autres: il avait annoncé qu'une nouvelle console, provisoirement baptisée NX, était en développement et il s'apprêtait aussi à présenter d'ici peu un appareil permettant de mesurer et améliorer la qualité du sommeil.