Salariés absents, signature de contrats reportée, problèmes de trésorerie ou d'approvisionnement: le blocage du ciel européen commence à compliquer le vie de certaines entreprises françaises.
Le nuage de cendres islandais, qui cloue au sol les avions en Europe, "perturbe considérablement le fonctionnement de nombreuses entreprises", confirme le Medef, qui a mis en place une cellule de crise vu le "nombre de remontées" de ses adhérents.
"On n'avait pas besoin de ça!", au moment où les entreprises émergent tout juste de la récession, soupire sa présidente Laurence Parisot.
Selon la Confédération générale des petites et moyenne entreprises, les PME aussi pourraient rencontrer des difficultés de trésorerie si les paiements effectués par chèque et acheminés par les airs sont retardés.
Mais la situation est contrastée: d'un côté, des entreprises dont l'activité est très dépendante du transport (tourisme, courrier, taxis) ou du fret aérien (industrie électrique et électronique); de l'autre, celles qui rencontrent des problèmes d'organisation, gênants mais pas pénalisants.
"J'ai dû re-router toutes mes livraisons par la route. Mais pendant deux-trois jours, il y a quand même des pièces et de composants qui sont partis de l'entreprise et sont depuis bloqués" on ne sait où, témoigne Pierre Gattaz, président de la société de composants électroniques Radiall.
La paralysie du trafic bloque aussi les importations de matières premières (pièces de laiton, de cuivre, semi-conducteurs, etc.) pour ses usines européennes, souvent en provenance d'Asie.
Et elle tombe au plus mal au moment où "il n'y a plus de stocks nulle part" du fait de la crise.
"On a encore quelque jours devant nous de stocks, mais chaque jour qui va passer sera plus dur à gérer", souligne M. Gattaz.
Jean-Loup Blachier, patron de Promaxion, une PME qui fabrique des détecteurs de faux billets, était sur le point de conclure une affaire à l'étranger quand les vols se sont arrêtés: il a manqué un rendez-vous crucial avec un directeur de banque. Il a dû aussi annuler un voyage en Chine où il fait fabriquer ses machines.
"Cela ne va pas mettre en péril mon entreprise, mais c'est gênant", témoigne-t-il.
Avec une petite quinzaine de salariés "coincés dans les DOM TOM ou en métropole", Agnès Bertrand, DRH du Centre national d'expertise hospitalière, est surtout confrontée à "des problèmes d'organisation": "nous sommes obligés de reporter des formations", explique-t-elle. Mais si la situation ne s'améliore pas, ces reports pourraient avoir "des conséquences financières".
De même, le cimentier Lafarge a été obligé de reporter plusieurs déplacements à l'étranger de ses cadres dirigeants. Restent les séances de vidéoconférences.
Soucieuses d'économie depuis la crise, L'Oréal ou Sodexo (restauration collective) privilégient systématiquement ce type de réunions et sont donc préparées à faire face à cette crise: la réunion des 300 principaux dirigeants de Sodexo dans le monde aura lieu comme prévu cette semaine en "webconférence".
"Pas de problème important" non plus chez Sanofi-Aventis qui, "dans une logique de développement durable", n'achemine plus ses médicaments par voie aérienne. Et le groupe pharmaceutique a une "politique de stocks d'au moins plusieurs semaines", qui permet "de voir venir".
A Rungis, pas d'inquiétude non plus: le célèbre marché du frais, l'un des plus grands du monde, reçoit au printemps seulement 10% de ses denrées par avion.
Quant aux produits laitiers frais du groupe Danone, ils sont fabriqués localement.